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En juillet 1936, la salle était pleine ce jour-là, jamais je n’avais vu autant de monde à la salle des fêtes. Juste après la signature à Paris des Accords Matignon, des délégués syndicaux de Chambéry sont arrivés en moto pour nous donner la liste de tous les acquis du Front Populaire.

Au fur et à mesure qu’ils annonçaient les nouvelles conquêtes, les gens avaient des yeux qui grossissaient, qui grossissaient.

On ne se rend plus compte aujourd’hui !

D’un coup, comme ça, quarante pour-cent d’augmentation de salaire, la semaine de quarante heures, les conventions collectives, les délégués du personnel…

Le plus drôle fut lorsque l’un des délégués annonça l’obtention des congés payés. Un paysan s’est levé au fond de la salle, la mine incrédule et a dit :

– Maïs ! Comment ça ! Non seulement, on ne va plus travailler mais en plus on va nous payer pour être en vacances !

Toute la salle a hurlé de rire !

Les gars venaient de partout pour adhérer au syndicat. Certains descendaient exprès des villages des hauts de vallée pour réclamer leur carte. Quelques jours avant les élections, tu pouvais seulement leur proposer d’adhérer ils t’envoyaient balader.

Mais là, c’était tellement énorme !

Le syndicat devenait rentable tout à coup, vu que c’est lui qui avait obtenu tous ces miracles à Matignon.

Les miracles, c’est comme ça que certains appelaient les congés payés et les quarante heures.

Et ce n’était pas faux tant ça changeait la vie des gens.

D’un coup, Paolo a sorti l’accordéon, Jeannot a pris son violon. Ça s’est mis à chanter, ça s’est mis à danser, fallait voir ça ! Ça buvait pas mal aussi.

C’est qu’après, ils n’ont plus voulu repartir. Nous, on a dû fermer la salle. Alors, ils sont allés dans les bistrots du coin pour continuer la fête.

C’est leurs femmes qui sont venues les chercher le lendemain avec les mulets. L’avoinée que certains ont pris ! Les femmes criaient :

Je t’en foutrais, moi, des congés payés ! C’est aux champs que tu vas les passer, oui et pi, rapido, grand corniaud !

Ils brillaient pas les gars…

Je m’appelle Joël. J’ai deux autres prénoms, Fernand, celui de mon grand-père paternel et René, celui de mon grand-père maternel. Je n’ai pas connu René, mon grand-père maternel.

Ma grand-mère s’est mariée peu de temps avant la seconde guerre mondiale. Ils n’ont pas vécu longtemps ensemble. Quand la guerre est arrivée mon grand-père est parti à la guerre comme nombre d’hommes à la deuxième guerre mondiale. C’était un malgré lui, il était des ces hommes d’Alsace enrôlé de force dans les rangs de l’armée Allemande.

Tout juste mariés, ils n’ont goûté que peu de mois leurs bonheurs. Ma grand-mère s’est retrouvée enceinte et elle a eu une fille, ma mère. C’est son seule enfant. Ma mère n’a jamais vu son père.

La guerre est passée. Mon grand-père n’est jamais revenu.

Mais ma grand-mère l’a attendu toute sa vie. Elle était persuadée que s’il rentrait ce serait un dimanche. Alors, chaque dimanche, elle lui préparait son plat préféré, elle mettait le couvert pour trois, sa serviette à elle et à sa fille et sa serviette à lui, celle à carreaux rouges et blancs, celle qu’il avait laissé dans le tiroir du buffet.

Ma mère ma raconté que chaque dimanche ma grand-mère lui disait qu’aujourd’hui peut être, elle verrait son père.

Plus tard, ma mère s’est mariée et elle a quitté la maison.

Mais ma grand-mère a continué chaque dimanche a préparé à manger pour deux et à mettre la serviette à carreaux rouges et blancs.

Elle a attendu René comme ça pendant plus de cinquante ans.

A la fin, elle était malade et il a fallu l’hospitaliser. J’allais la voir et elle me parlait de mon grand-père, elle me disait qu’il allait peut être arriver. Moi, je lui disais que oui, peut être il allait arriver.

Vers la fin, ma grand-mère a commencé à perdre un peu la tête. Juste avant de mourir, je suis venu la voir à l’hôpital.

Je me souviens, je suis entré dans la chambre. Ma grand-mère était assoupie dans son lit. A chaque fois que je la voyais endormie, j’avais peur qu’elle ne soit déjà partie et je regardais sa poitrine pour vois si elle respirait encore. Je me suis approché. Elle respirait à peine. Je me suis assis sur le lit et j’ai voulu l’embrasser sur le front. Elle a ouvert les yeux et elle m’a vu. Elle a dit :

– René ! enfin, tu es revenu !

Elle a pris mon visage dans ses mains, elle m’a embrassé. Et j’ai vu dans ses petits yeux bleus qui débordaient de joie, tout l’amour qu’elle avait encore pour mon grand-père cinquante après. Elle était tellement heureuse que je n’ai rien osé lui dire.

Elle est morte peu de jours après.

J’ai 27 ans mais combien d’entre vous le savent. Peu m’ont parlé, beaucoup m’ont vu, regardé passer dans les allées avec mon fauteuil électrique.

Je voudrais vous dire quelques mots pour faire tomber les barrières.

Partir avec la CCAS, ça me change du monde du handicap. Je vis dans un foyer pour handicapés et le monde du handicap, c’est vivre tout le temps qu’avec des personnes comme moi, qui ont du mal à marcher, à utiliser leurs bras, leurs jambes, à parler. Certains ne peuvent rien faire du tout.

Mon espoir par rapport aux gens c’est qu’ils ne m’appréhendent plus, qu’ils n’aient pas peur de moi, qu’ils n’aient pas peur de m’approcher, de me parler. Ce que j’ai, ça ne s’attrape pas. Mais ça peut arriver à tout le monde, on n’est pas à l’abri. Ça peut arriver tellement vite et tout bascule du jour au lendemain.

Moi, je n’ai jamais connu que la vie avec le handicap, ça m’est arrivé à la naissance.

Quand j’étais tout petit, je ne m’en rendais pas compte. C’est qu’après, quand je voulais marcher comme les autres, je n’avais pas d’équilibre, je tombais. J’avais du mal à parler et à faire les choses.

Aujourd’hui, je me dis que j’ai de la chance. Je me suis adapté à mon handicap, Je ne me plains pas car je peux faire plein de choses tout seul. Je fais les choses lentement et je ne suis pas assez rapide pour travailler. J’ai cette chance d’être autonome. Je peux manger tout seul et j’ai juste besoin d’aide pour couper ma viande, pour me laver les dents, pour me laver le dos ou les pieds, pour me laver la tête. Je peux aller aux toilettes tout seul. C’est un grand avantage. Certains de mes amis handicapés sont bloqués complètement et ne peuvent rien faire tout seul. Des fois, c’est moi qui mes aide un peu pour leur donner un objet ou leur ramasser quelque chose.

Des fois, c’est dur, de voir le regard des autres. On a l’impression, quand on est dans la rue, quand on voit les yeux des gens, qu’ils ont peur de nous.

Les gens ne savent pas comment nous aborder, ils ont du mal à nous approcher.

En fait, je voudrais leur dire qu’ils n’ont pas peur de moi mais qu’ils ont peur de mon handicap.

Faire tomber les barrières, c’est dire qu’on est tous pareil avec quelques petites différences.

Si l’autre se mettait à notre place, il comprendrait ce qu’on peut rencontrer comme difficultés et ils n’auraient plus peur de nous.

Parler de mon handicap, c’est quelque chose de difficile que je n’aime pas faire mais je parle pour que les autres comprennent, pour faire tomber les barrières entre les personnes handicapées et les valides.

N’ayez plus peur des personnes handicapées, ça ne s’attrape pas.

On n’a pas le choix d’être handicapé, on doit accepter ce qu’on est, on ne peut faire autrement alors acceptez nous comme on est.

Acceptez nos différences…

Jérôme, 27 ans.

Quand on travaille avec des handicapés, on apprend à vivre et à voir les choses différemment.

Souvent, on entend dire :

– C’est dur ce que vous faites ! Je ne pourrais pas faire la même chose.

On entend ça presque tous les jours. On comprend la peur qu’ont les gens des personnes handicapées. On comprend cette peur mais on ne la vit pas, on ne la vit plus. On apprend à voir les gens handicapés autrement et à les aimer.

Certains sont parfois difformes, ils bavent ou poussent des cris pour exprimer leurs sentiments et ils font peur aux autres. A force de vivre avec eux, on ne voit plus ça, on voit les personnes à l’intérieur, on apprend à les connaître, on voit plus loin que l’aspect physique de la personne.

Ce qu’on vit l’été vingt quatre heures sur vingt quatre, c’est comme si on était dans une bulle. On vit des semaines entières avec eux, on vit dans l’intimité, on partage tout. On est touché par leurs rires, par leurs réactions. Un rien les touche.

On se rend compte qu’il y a des choses beaucoup plus grave que nos petits malheurs. On prend conscience de la chance que l’on a de pouvoir faire tous les gestes de la vie quotidienne, marcher, parler, conduire, être indépendant. On prend conscience de notre liberté naturelle. Toutes ces choses si banales que l’on fait facilement pour beaucoup de personnes handicapées sont complètement impossibles.

Marcher, parler, pour nous, c’est simple et pour d’autres c’est un rêve.

On a beaucoup appris sur la vie et sur les autres mais surtout, beaucoup sur nous-mêmes.

Quand on était plus jeune, on était attiré par l’aspect extérieur, par les beaux habits, les beaux visages. Avec eux, on a appris à découvrir la vraie beauté, celle qui vient de l’intérieur de la personne.

Ça nous fait du bien de parler de tout ça, de savoir que cette parole va être lue ou entendue par d’autres.

Si on parle de notre expérience, c’est qu’on aimerait que ces paroles aident d’autres gens à prendre conscience, à s’ouvrir à nous, qu’ils n’aient plus peur de nous. Quand on arrive avec une personne handicapée, qu’ils apprennent à sourire, à dire bonjour, à venir vers nous.

Nous avons beaucoup à apprendre avec les personnes handicapées, ils peuvent nous apporter beaucoup au niveau de ce qui est humain.

Communiquer Sourire Ne plus avoir peur Venir S’ouvrir Vers nous

Ce qui peut paraître le superficiel comme la maquillage pour la femme touche en fait le fondamental, l’être de la femme. Ce qui touche l’extérieur touche en fait l’intérieur. C’est paradoxal. On prend soin de l’intérieur autant que l’extérieur.

Nadia

Je travaille dans un institut de beauté. C’est un monde de femme, c’est un lieu de paroles dans le positif comme dans le négatif. C’est un peu un confessionnal pour beaucoup de femmes. Les gens viennent pour des soins de beauté et se confient en même temps. Ici, il y a un contact humain physique, on touche la peau des femmes, on est dans l’intime.

Mon rôle, c’est de les écouter, de les réconforter, de les conseiller parfois, de leur redonner le moral. Quand elles sortent, elles se sentent mieux dans leurs corps mais aussi dans leurs têtes, elles ont le sourire.

Je fais ce travail depuis l’âge de dix huit ans cela fait trente cinq ans et j’ai vu des centaines, des milliers de femmes. Des milliers de femmes m’ont parlé.

Je connais la vie des gens. Les femmes viennent à l’institut pour un soin esthétique mais, on sent qu’elles viennent surtout pour pouvoir parler, se libérer, être écoutées.

On entend toutes les choses de la vie, il y en a des bonnes heureusement mais il y en a beaucoup de très mauvaises. Mon rôle alors, c’est de les réconforter, de les soutenir. Je connais des histoires très fortes mais une fois que j’ai écouté une femme se confier, je ne vais pas courir dans la ville pour tout raconter, je garde ça pour moi. Il faut savoir se taire aussi.

Il y a parfois des choses très lourdes, des histoires de famille très difficiles. J’essaye de les aider, de leur donner des conseils qui me semblent bons et bien pour elles.

Elles me parlent de tout, de leurs enfants, leurs maris, les problèmes de vie de couple, l’argent. Entre femmes c’est plus facile, elles peuvent raconter toute leur vie de seule à seule. Il n’y a pas d’oreilles d’hommes.

J’avais une cliente qui venait toutes les semaines pour un soin du visage. Je lui ai dis que ce n’était pas nécessaire de venir aussi souvent. Elle m’a dit :

– Vous savez, je viens chez vous c’est pour pouvoir parler.

Les soins, elle n’en avait rien à faire, elle venait pour se libérer. Elle me racontait toutes ses histoires et elle repartait soulagée et ça restait entre nous.

Anne

Dès l’âge où j’ai pu tourner une manivelle, depuis toute petite, j’ai travaillé à la ferme. A trois ans, je barattais déjà le lait. On n’avait pas de jouet, on n’avait rien.

J’allais à l’école chez les religieuses et après l’école, on travaillait à la ferme.

J’ai appris à lire chez les sœurs. J’en ai bavé chez les religieuses. Elles étaient toujours à nous soumettre, à nous dire qu’on n’était bonne à rien, qu’on n’arriverait à rien, qu’on serait bonne qu’à garder les vaches. C’était toujours à rabaisser les gens. Les filles de la campagne devaient aller jusqu’au certificat d’études et après, c’était le travail à la ferme.

Mais les livres étaient pour moi comme une liberté. Ils me permettaient de voir et de croire d’autres choses, ils me permettaient de penser autrement et de rêver. J’étais une grande rêveuse.

Ma mère lisait beaucoup aussi. Je la voyais lire le soir quand il n’y avait plus rien à faire.

Je me souviens d’un livre pendant la guerre qu’une sœur de ma mère lui avait apporté. C’était l’histoire du comte de Monte Cristo. Il y avait trois volumes. Ma mère contre les livres avait donné du beurre, des œufs, des choses à manger. Je me rappelle, c’était des beaux livres avec de belles couvertures et j’avais envie de les lire. Mais ma mère avait dit :

– Non ! Non ! Non ! c’est pas pour toi.

J’avais demandé :

– Pourquoi ? tu les as bien lus toi.

Elle m’avait répondu :

– Non, ce sont des livres de vengeance. C’est pas bon de lire des livres de vengeance pour une enfant.

Elle les avait cachés. Mais du moment que c’était interdit, c’était encore plus tentant. J’avais dix ans et j’ai cherché partout. J’ai trouvé les livres et je les ai lus en cachette au grenier. C’était la grande aventure. Ça me faisait rêver. J’aimais rêver. C’était autre chose que les livres que je lisais chez les religieuses qui parlaient de la vie des saints ou de petites histoires enfantines. Là, c’était un livre interdit aux enfants. Je partais en rêve dans les pages. Je l’ai lu et relu et plus tard, j’ai vu les films.

Plus tard, beaucoup plus tard, j’ai lu les autres livres d’Alexandre Dumas à la bibliothèque. Je rêvais. J’imaginais des choses impossibles. Ma vie a été un rêve un peu grâce aux livres.

Je crois que c’est le rêve qui vous fait lire.

                                                                                                                                                  Anne

On s’éloigne les uns des autres, on ne se voit plus, pire, on ne voit plus le mal. On laisse faire le mal.

L’autre jour, il y avait des hommes qui frappaient un autre homme. Les gens passaient sans rien dire. Moi, je ne suis qu’un femme mais j’ai crié, j’ai crié. Je ne criais pas après les hommes mais je criais sur les gens, je leur disais :

– Faites quelque chose ! Séparez les ! Faites quelque chose !

Les gens me regardaient mais personne n’osait intervenir. Les gens avaient peur de ceux qui faisaient le mal. Ils avaient peur et ils regardaient sans rien faire.

Pour moi, c’est terrible de ne rien faire, car si je vois une chose et que je ne fais rien, demain, s’il m’arrive quelque chose, personne ne fera rien.

Il faut ouvrir le chemin. Il ne faut pas avoir peur de ceux qui font le mal c’est ceux qui font le mal qui doivent avoir peur. Il faut bien quelqu’un pour ouvrir le chemin. Il faut prendre ce risque. Sinon demain c’est le pire qui nous attend.

Imagine, demain, ils viennent te prendre Saâdia et ils la jettent en prison. Et moi, je ne dis rien, je ne fais rien car, moi, je ne suis pas arabe. Puis après, ils viennent et ils emmènent Alia et ils la jettent en prison. Mais moi, je ne dis rien car je ne suis pas Chaldéenne. Puis ils viennent et ils prennent Salimata et moi, je ne fais rien car je ne suis pas noire. Mais à la fin, ils viennent pour me prendre et ils me jettent en prison et il n’y a plus personne pour dire quelque chose pour moi.

Si on intervient, on se protège les uns les autres, on se fait du bien et on se protège du mal.

Mélek dans ma langue, cela veut dire Ange

Chez nous, on dit la parole ouvre la parole…

Mon histoire avec la médiathèque vient de mon ancien métier. Je m’occupais alors d’enfants qui avaient des troubles de comportement.

Une fois, j’avais une petite fille qui avait beaucoup de difficultés à aller vers les autres, qui avait beaucoup de peur. J’avais remarqué que les livres l’intéressaient. J’ai eu l’idée de l’amener régulièrement ici pour qu’elle s’épanouisse.

Au début, ce n’était pas facile car c’était une enfant qui criait, qui avait du mal à se contenir. Dès qu’elle avait une contrariété, elle poussait des cris, elle tapait du pied. On ne savait pas si ça allait marcher.

La première fois, elle est entrée et elle s’est mise à courir et à crier partout.

Il a fallu lui apprendre ce qu’elle pouvait faire et ce qu’elle ne pouvait pas faire. C’était du corps à corps au départ. Elle était beaucoup dans mes bras. Elle avait besoin d’être rassurée. Je lui chantais des chansons pour la calmer.

Il y avait des rituels que nous avons peu à peu mis en place. Il y avait d’abord le chemin pour venir ici. Elle avait un circuit que l’on devait toujours suivre. D’abord, les livres, après, les ordinateurs, après, la musique, partout, le bonjour à toutes les personnes.

On a travaillé ensemble avec le personnel de la médiathèque. Ils lui ont appris à respecter les livres, à respecter les règles, à ne pas faire n’importe quoi. Ils se sont comportés avec elle comme avec un autre enfant. Ils ont accepté sa différence. Ça n’a pas toujours été facile et il a fallu parfois s’en aller quand ça n’allait pas bien.

Petit à petit, elle a beaucoup progressé, elle a appris à prendre des livres, elle s’est intéressée aux histoires, elle écoutait les contes. J’ai tout fait pour lui transmettre mon amour pour les livres.

Chez elle, elle n’avait pas accès à la culture et elle ramenait les livres chez elle.

Elle a appris le plaisir des livres, c’était quelque chose de charnel pour elle. Elle qui avait beaucoup de mal à s’endormir, a réussi à s’endormir grâce aux livres.

Elle avait beaucoup de plaisir à venir. Elle a appris à aller vers les autres enfants qui lui faisaient très peur au début.

Après, elle venait ici comme une grande fille et elle en était très fière. Elle s’est rendue compte qu’elle avait beaucoup progressé.

Cela n’a été possible que parce que le personnel de la médiathèque s’est engagé. On a vécu tout ça ensemble sinon, ce n’aurait pas été possible.

Elle a eu beaucoup de bonheur à venir ici. Ici, elle a pu s’épanouir, elle a appris à grandir ici parce qu’on l’a acceptée comme elle était. Elle a reçu beaucoup de chaleur humaine, elle a été aimée.

Quand je viens à la médiathèque, je pense toujours à elle. Pour moi, ce lieu représente cette petite fille

Marie

Avant, on n’avait pas de télé, pas de radio, il n’y avait que la parole. On était en Bretagne, c’était très pauvre, on n’avait rien. Et mon père, à table, nous commentait le journal qu’il avait lu et nous, on l’écoutait. On apprenait à écouter.

Avant les parents avaient la parole et on devait se taire. C’est eux qui nous apprenaient.

Maintenant, ce sont les enfants qui parlent et les parents qui écoutent.

Aujourd’hui, après avoir lu des centaines et des centaines de livres qui racontaient la vie des autres, j’écris un livre sur ma vie. C’est pour mes petits enfants.

J’ai raconté ma grand-mère avec ses dix enfants en Bretagne, mon enfance, ma rencontre avec mon mari, pas trop sur ma vie de couple mais sur notre vie. J’écris sur mes voyages, sur ce que j’ai vu.

Les enfants aujourd’hui n’ont pas le temps. Ils veulent savoir mais ils n’écoutent pas, ils sont occupés par autre chose.

Alors, j’écris mes cahiers et plus tard, mes petits enfants découvriront ma vie s’ils en ont envie.

Anne