Je m’appelle Joël. J’ai deux autres prénoms, Fernand, celui de mon grand-père paternel et René, celui de mon grand-père maternel. Je n’ai pas connu René, mon grand-père maternel.

Ma grand-mère s’est mariée peu de temps avant la seconde guerre mondiale. Ils n’ont pas vécu longtemps ensemble. Quand la guerre est arrivée mon grand-père est parti à la guerre comme nombre d’hommes à la deuxième guerre mondiale. C’était un malgré lui, il était des ces hommes d’Alsace enrôlé de force dans les rangs de l’armée Allemande.

Tout juste mariés, ils n’ont goûté que peu de mois leurs bonheurs. Ma grand-mère s’est retrouvée enceinte et elle a eu une fille, ma mère. C’est son seule enfant. Ma mère n’a jamais vu son père.

La guerre est passée. Mon grand-père n’est jamais revenu.

Mais ma grand-mère l’a attendu toute sa vie. Elle était persuadée que s’il rentrait ce serait un dimanche. Alors, chaque dimanche, elle lui préparait son plat préféré, elle mettait le couvert pour trois, sa serviette à elle et à sa fille et sa serviette à lui, celle à carreaux rouges et blancs, celle qu’il avait laissé dans le tiroir du buffet.

Ma mère ma raconté que chaque dimanche ma grand-mère lui disait qu’aujourd’hui peut être, elle verrait son père.

Plus tard, ma mère s’est mariée et elle a quitté la maison.

Mais ma grand-mère a continué chaque dimanche a préparé à manger pour deux et à mettre la serviette à carreaux rouges et blancs.

Elle a attendu René comme ça pendant plus de cinquante ans.

A la fin, elle était malade et il a fallu l’hospitaliser. J’allais la voir et elle me parlait de mon grand-père, elle me disait qu’il allait peut être arriver. Moi, je lui disais que oui, peut être il allait arriver.

Vers la fin, ma grand-mère a commencé à perdre un peu la tête. Juste avant de mourir, je suis venu la voir à l’hôpital.

Je me souviens, je suis entré dans la chambre. Ma grand-mère était assoupie dans son lit. A chaque fois que je la voyais endormie, j’avais peur qu’elle ne soit déjà partie et je regardais sa poitrine pour vois si elle respirait encore. Je me suis approché. Elle respirait à peine. Je me suis assis sur le lit et j’ai voulu l’embrasser sur le front. Elle a ouvert les yeux et elle m’a vu. Elle a dit :

– René ! enfin, tu es revenu !

Elle a pris mon visage dans ses mains, elle m’a embrassé. Et j’ai vu dans ses petits yeux bleus qui débordaient de joie, tout l’amour qu’elle avait encore pour mon grand-père cinquante après. Elle était tellement heureuse que je n’ai rien osé lui dire.

Elle est morte peu de jours après.