Author Archives: admin2885

Pendant la guerre, on mettait des bandes de papier collées sur les fenêtres. On était près du train. Et quand le train passait, ça secouait les carreaux mais avec ça, quand il tombait des bombes, ça faisait des secousses et les carreaux cassaient.

Pendant la guerre, j’avais seize ans, il n’y avait plus rien, plus d’école. Je n’avais pas pu passer mon brevet. Je voulais trouver du travail. J’ai été sur Roubaix et je suis rentrée dans la couture en 1940. Là, j’ai appris la couture.

Mon mari était au régiment alors, quand il est revenu, on s’est marié. On n’avait pas de sous, on n’a pas fait un mariage en blanc, on n’avait rien mais on a fait un mariage tout simple avec la famille et avec ce qu’on avait.

A l’époque, on n’avait rien, mon papa et ma maman travaillaient à la lainière de Roubaix, à la filature pour faire la laine. Ils partaient le matin de bonne heure et ils rentraient tard le soir. Ils se préparaient leur casse croûte qu’ils mangeaient là-bas, sur place. Ils travaillaient six jours par semaine et le dimanche, non. Ils travaillaient beaucoup mais ils n’avaient pas beaucoup de sous.

Ma grand-mère était avec nous et c’est elle qui nous gardait. C’est elle qui nous a élevés. Elle s’appelait Pauline.

Elle m’avait racontée sa vie. Elle m’avait racontée qu’elle était née en Auvergne mais qu’il n’y avait pas beaucoup de travail alors elle était montée sur Paris comme cuisinière dans un restaurant. Après, à Paris, elle a connu un agent de police et elle s’est mariée avec. Lui, cet agent de police, c’était mon grand-père, il était de Roubaix. Et c’est comme ça qu’ils sont remontés dans le Nord rue Kléber, à Croix.

Mes parents, après, ont gardé ma grand-mère avec eux jusqu’au bout.

Par moments, j’ai des souvenirs qui me reviennent, je revois tout ça.

Gabrielle, 87 ans.

Pendant la guerre. On n’avait rien. Je travaillais dans une pièce, une véranda. L’hiver, il faisait tellement froid qu’il y avait plusieurs centimètres de glace sur les carreaux. On faisait la couture à la main, il n’y avait pas de machines. On était deux, moi et une jeune apprentie. L’hiver, il faisait froid, il n’y avait pas feu pour réchauffer la pièce. Quand tu es huit, neuf heures dans une pièce sans feu et avec trente grammes de pain par jour, c’est pas facile de tenir.

J’ai eu tellement froid aux jambes, que mes jambes ont gelé des pieds jusqu’aux genoux. J’avais les jambes couleur, violet. Il a fallu après pendant plusieurs années que je porte tous les jours des bas de laine et des guêtres de laine par dessus pour faire revenir le sang. Il a fallu quatre ans pour le sang circule à nouveau normalement mais ça m’est resté et aujourd’hui, c’est pour ça que je n’ai plus de jambes.

Vous savez, on n’avait pas beaucoup à manger. On avait trente grammes de pain par jour. C’est pas beaucoup pour une journée.

Quand ça c’est calmé un petit peu, on allait en Belgique et là, on allait chercher du café, du pain. Enfin, le nécessaire pour pouvoir manger un peu plus. Mais c’était interdit d’aller en Belgique, alors, on passait à travers champs. Si on passait sur la route on était fusillé. Ça nous faisait des sueurs ! Mais on était jeune et on avait faim.

Mon mari, alors, n’était qu’un jeune homme. A l’époque, il était tout seul avec ses parents. Il allait glaner les pommes de terre dans les champs. Il prenait son vélo, il mettait cinquante kilos de pommes de terre dessus et il ramenait ça chez lui. Quand il revenait, bien souvent, les Allemands l’attendaient et ils lui prenaient son sac de pommes de terre. Alors, il revenait, il n’avait plus rien. Il pleurait. Il pleurait. Il avait quatorze ans à ce moment là.

Un soir, je m’en souviens bien, je rentrais et là, une bombe est tombée juste devant moi, aux pieds, en plein milieu de la route. Heureusement, elle est passée dans la terre mais elle n’a pas explosé sinon, je ne serais plus là. Après, à cet endroit là, la ville de Croix a tout barré et ils ont dit :

– Cette bombe, on l’enlèvera après la guerre.

Après la guerre, ils l’ont enlevée et ils ont défait toutes les mines, tout ce qu’il y avait dans la terre.

Par moments, j’ai des souvenirs qui me reviennent, je revois tout ça.

Gabrielle, 87 ans.

Ma plus jeune sœur est née pendant la guerre. Tout le monde était évacué sur les routes. Il y avait les voitures sur les routes. Tout le monde partait. Il y avait les avions qui bombardaient.

Maman devait accoucher de ma petite sœur mais il n’y avait pas de docteur, pas d’infirmière. On a quand même trouvé un jeune docteur mais il n’était pas fort à la page, il faisait encore ses études. Il a quand même accouché maman mais au lieu de sortir ma petite sœur avec les forceps sur les cotés du crâne, il l’a pris avec les forceps sur le derrière et le devant de la tête. Ça lui a fait un défaut dans le crâne et elle est morte à dix ans d’une tumeur au cerveau.

Au début de la guerre, je passais dans la rue Kléber à Croix pour aller travailler à ma couture quand les Allemands sont arrivés dans la ville. Ils étaient beaucoup. Ils venaient de Lille. Je n’avais que seize ans, j’étais jeune, j’avais peur. Tout le monde en avait peur. Ils ont descendu l’avenue Kléber et ils m’ont croisée, moi qui partait travailler du coté de Roubaix. Ils m’ont arrêtée. Ils étaient perdus et ils m’ont parlée en français pour me demander où était la mairie de Croix. Je leur ai dis :

– Il faut retourner sur vos pas parce que la mairie n’est pas par là mais de l’autre côté.

Je leur parlais à ses hommes mais j’avais de la misère, j’avais peur !

Ils ont pas été méchant. Ils ont rien dit et ils sont partis. Mais ils ont continué tout droit vers l’église.

Après, ils se sont installés dans l’école au bout de la rue et tous les matins quand je partais travailler, je passais devant et les Allemands criaient :

– Raus ! Raus !

Des fois, je partais travailler et ils bombardaient et il y avait des éclats d’obus qui tombaient. Normalement, il ne fallait pas être dans la rue mais nous, on devait travailler.

Quand il y a eu les Allemands, je me souviens bien. Il y avait les Allemands d’un coté et les Français de l’autre et ils se tiraient dessus, ils se battaient. Puis, il y en a eu un du côté de chez nous, de Croix, il a crié aux Allemands :

– Ecoutez, c’est les patrons qui nous ont envoyés pour se battre. Nous on s’est rien fait pour se battre. Alors, on va pas se tuer pour les patrons.

De l’autre côté, il y avait des Allemands qui avaient travaillé, avant la guerre, à Roubaix, à la lainière, et ils ont dit :

– Nous, c’est pareil.

Alors, ils ont arrêté de se battre.

Ça c’est passé ça, juste au bout de la rue. C’était au tout début de la guerre.

Gabrielle, 87 ans.

J’ai eu 87 ans en juin. Je suis arrivée ici en juillet. Je suis restée quatre vingt sept ans moins deux mois dans le Nord.

Je vais commencer par le commencement, je suis née le 14 juin 1925 au 198 rue Kléber à Croix Saint Pierre près de Lille.

Donc, je suis née à Croix, j’ai été baptisé là, j’ai fait ma communion, j’ai fait mon mariage, j’ai eu mes enfants. J’ai travaillé toute ma vie là-bas. J’ai tout fait là-bas.

Mais, je suis contente de ma vie quand même, maintenant que j’arrive jusqu’au bout.

Mais là, je ne pouvais plus marcher. Le docteur a dit que je ne pouvais plus rester chez moi et qu’il fallait que j’aille dans une maison de retraite. Le docteur a dit :

– Vos jambes sont mortes, vous ne pourrez plus marcher.

J’en ai parlé à mon fils qui vit par ici. J’ai dit à mon fils :

– Soit je vais à Roubaix, et tu viendrais me voir à Roubaix peu souvent, soit je viens par ici et tu pourras venir me voir plus souvent.

Il m’a dit :

  • Maman, fais comme tu veux.

Je lui ai dis que peut être j’allais vivre encore longtemps et que lui aussi, il allait devenir vieux et que ce serait mieux que je sois pas trop loin.

Alors, je suis venue par ici pas très loin du village où mon fils a fait construire une maison pour ses vieux jours. Il a encore un an et six mois à faire sur Grenoble où il travaille, et après, il va venir vivre par ici.

Moi, j’attends.

Gabrielle, 87 ans.

J’ai eu 87 ans en juin. Je suis arrivée ici en juillet. Je suis restée quatre vingt sept ans moins deux mois dans le Nord.

Je vais commencer par le commencement, je suis née le 14 juin 1925 au 198 rue Kléber à Croix Saint Pierre près de Lille. Là, je suis née dans la maison de ma maman. On était quatre frères et sœurs et j’étais la plus âgée.

Je n’ai pas eu une très belle jeunesse. On n’avait pas de jouet. On n’avait pas de livre non plus car ça coûtait beaucoup d’argent.

Comme jeux, on avait des jeux de table ; un jeu de nain jaune, un jeu de petits chevaux, un jeu de cartes. Le dimanche, ma grand-mère faisait cuire des marrons et on jouait aux cartes.

On était petites, on disait rien car on trouvait ça normal. On ne rêvait à rien car nos parents n’avaient pas d’argent.

Avec ma sœur, on allait dans le jardin, on ramassait des branches d’arbustes et les pétales qui tombaient. Et sur la terre, avec les branches, on traçait une maison et on mettait les pétales de fleurs dessus. On jouait comme ça.

On a eu une seule poupée pour ma sœur et moi. Mais cette poupée avait un défaut, on ne pouvait pas l’habiller car elle avait les bras collés le long du corps. Une poupée en caoutchouc avec les bras collés on ne peut pas l’habiller. Cette poupée, on l’avait appelé madame Mairesse. Car à ce moment là, mon papa pour avoir un peu plus d’argent, le dimanche, il louait une baraque à frite au bout de la rue. Il avait repris derrière une femme qui était là avant lui. Cette dame n’était pas belle et on l’appelait madame Mairesse et notre poupée, comme elle n’était pas belle, on l’a appelée madame Mairesse.

Mon père, tous les dimanches, vendait ses frites avec des boissons et des fraises. C’était la seule distraction qu’il y avait. Devant la baraque à frite, il y avait une balançoire pour les enfants. Tous les samedis soirs, on devait éplucher de grandes bassines de patates pour que tout soit prêt pour le dimanche. Je me rappelle bien de tout ça.

A noël, à l’école, on avait eu droit chacun à une orange et un petit bonhomme en sucre. A la maison, on l’avait mis sur la fenêtre, au soir. Au matin, quand on est descendu, ce qu’on avait mis sur la fenêtre, on l’a troué dans nos souliers.

– Regardez Saint Nicolas ce qu’il a mis dans vos souliers !

On n’avait qu’une orange et que pour noël et un petit saint Nicolas en pain d’épice. On n’avait que ça, pas de jouet, rien du tout. Rien. Rien.

Je n’ai jamais sorti. Je n’ai jamais été au cinéma. Je n’ai jamais été au bal et tout ça. Mais je ne me suis jamais ennuyée dans ma vie ; petite comme grande, je ne me suis jamais ennuyée.

C’est une vie pas facile mais j’ai toujours gardé le sourire. Puis je suis contente d’avoir gardé toute ma tête. Voilà toute ma vie.

Gabrielle, 87 ans.

Il n’y a pas longtemps que je suis là. J’étais déjà venue puis ils m’ont mis ailleurs et ils m’ont ramenée là.

Je suis de Lyon, je suis née à Lyon en 1930 et j’ai vécu pratiquement les neuf dixième de ma vie à Lyon avec mes parents.

J’étais leur seule enfant. Ils ne pouvaient pas avoir d’autres enfants car j’étais handicapée à ma naissance. J’avais dix jours quand ils s’en sont rendu compte. J’avais tout un côté atrophié dont je ne pouvais pas me servir ou très peu et cela n’a été qu’en empirant au fil des ans.

Ma vie a été différente des autres enfants, je voyais mes camarades mais jamais, je ne pouvais avoir de vraies relations avec eux. A l’époque, c’était beaucoup plus dur d’être handicapée. Mon nom de famille est Testard et quand vous avez dix ans et que vous entendez les autres enfants vous appelez :

– Têtard ! Têtard !

Je vous assure que ça vous marque.

Quand j’étais plus jeune, je pouvais marcher, me déplacer tant bien que mal sur mes jambes sinon, je n’aurais pas pu travailler en maison d’enfants mais je n’avais pas la force dans les bras, j’étais lente.

Quand la tête marche et que le corps va de travers, le regard des autres est encore plus dur à vivre.

Alors forcément, j’ai connu la solitude. J’ai fait ce que j’ai pu avec mon handicap. Ma vie a toujours été liée à la foi, c’est là où je me suis réfugiée toute ma vie.

Mon plus beau souvenir a été ma confirmation, ma première communion. J’avais quinze ans, je me revois en robe longue dans le temple. Et j’ai prononcé qu’il fallait suivre le seigneur. Comme c’était dans mon cœur, cette parole a marqué toute ma vie.

Le pire, c’est quand j’ai perdu mes parents et que je me suis retrouvée toute seule au monde, c’est le cas de le dire, là, ça a été très dur. C’est là où je me suis aperçu que le seigneur ne nous abandonne jamais quoi qu’il arrive.

Ma grâce te suffit car ma force s’accomplit dans la faiblesse

Cette parole est mienne et c’est tellement vrai quand on n’a que deux membres sur quatre, on a besoin de cette force. C’est énorme quand on a trente, trente cinq ans, quarante ans. Quand on est seul, vraiment seul, qu’on n’a ni père, ni mère, ni frère, ni sœur, ni famille proche, quand on n’a rien ni personne. J’ai été très seule vraiment.

A la mort de mes parents, il m’a fallu apprendre à vivre complètement seule d’autant plus que peu de temps après, je ne pouvais plus du tout travailler car je ne pouvais plus marcher.

Je ne comprends pas les gens qui disent que le seigneur n’existe pas car c’est celui qui me fait vivre, qui m’a permis de continuer la route malgré tout.

Toute ma vie est une épreuve. Pour moi, Dieu est ma vie, c’est lui seul qui m’a permis de vivre, de continuer la vie dans cette solitude.

Je sais que non seulement, je vais le retrouver mais qu’il va venir.

Il y a une parole qui dit :

Le seigneur Jésus est à la porte et il frappe.

Je sens qu’il n’est plus loin. Il y a une date qui doit être fixée dans les cieux et je l’attends avec impatience. Quand il reviendra tout sera mieux, tout sera bien, il n’y aura plus de malheur, je ne serais plus handicapée.

Yvonne, 82 ans.

Avec la parole, on a beaucoup de choses à apprendre mais en réalité, on ne se connaît pas car on ne se parle pas. Quand j’étais enfants, j’ai appris à connaître une ou deux camarades de classe mais une fois adulte, il n’y avait plus personne.

Il y a une histoire de l’évangile qui m’a fait beaucoup de bien, c’est celle d’un homme paralysé, il est dit dans la Bible qu’il avait une trentaine d’années et il a rencontré Jésus au bord d’un lac ou d’un courant et le seigneur a parlé de lui au paralysé et il a pu se donner à lui et l’homme a été guéri. Il a retrouvé ses membres. Après ce que cet homme est devenu, personne ne le sait, mais il était guéri. Cette histoire, je l’ai entendue, j’avais quinze ans et elle ne m’a pas quittée.

Je peux vous dire que ma vie n’a pas été facile, quand on est jeune et qu’on est comme moi, handicapée, la vie n’est pas facile. Toute ma vie, j’ai connu la vraie solitude.

Le plus dur, c’est la dépendance du corps quand on a la tête qui marche et qu’on se sent complètement dépendant.

Pour moi, Dieu est au centre de ma vie, au centre de tout. En dehors de Dieu, les hommes ne sont pas bons, en dehors de l’amour, il n’y a rien. Sans l’amour de Dieu, je ne serais pas en train de vous parler.

Yvonne, 82 ans.

Je n’ai rien de gai à raconter.

Je suis venue par là en me mariant mais je ne suis pas de là, je suis pas loin, du Puy en Velay. Je suis arrivée en 1957 en Ardèche et maintenant, ça fait trois ans au moins que je suis ici. La dame ci y était déjà, et c’est tout. Les autres sont arrivés après.

Moi, ma vie ?

Ma vie, j’ai perdu ma maman très jeune, je n’avais pas dix ans. Ma vie a été là, bien bousculée.

Mon père s’est remarié plus tard, bien sûr, pour qu’on ait un foyer où se retrouver.

Ma belle-mère n’a pas été méchante avec moi mais elle n’a pas été tendre non plus. Je n’ai jamais été choyée par elle.

Mais vous savez, une maman ça ne se remplace pas. Je n’ai pas besoin de le dire à toutes ces dames.

Et après, je me suis mariée assez tard à un monsieur, veuf, qui avait déjà deux enfants grands de vingt ans.

Et ensemble, nous avons eu un fils.

Moi, je n’ai qu’un fils et il est à Lyon.

Et toute la semaine, il travaille.

Ça travaille les jeunes quand ça travaille car le travail ne court pas les rues. Et moi, je suis là.

Simone 90 ans

Je tenais un restaurant routier à Aubignas. Je l’ai tenu pendant trente ans. Puis on a pris la retraite.

Mon mari travaillait à l’usine des Basantine, à coté du restaurant. A l’usine, il fabriquait des dalles, des moellons en pierre. Il y avait la carrière à Saint Jean et lui, il travaillait à l’usine. Il venait m’aider au restaurant quand il ne travaillait pas à l’usine. On travaillait de cinq heures du matin à onze heures du soir. C’était une vraie vie de famille avec tout le monde.

Après, il y a eu la retraite et on en a profité.

On ne voyageait pas mais avec, mon mari, on prenait la voiture pour deux, trois jours et on faisait un tour. Jamais, on n’a pris le train ou l’avion, ni des cars, ni rien. On a été comme ça un peu partout, en Allemagne, en Italie, en France. On s’arrêtait là où ça nous prenait de manger et de dormir. On connaît tout.

On avait travaillé toute notre vie. On n’avait jamais pris du bon temps, jamais promené nul part. On avait mis un peu d’argent de coté et on l’a mangé comme ça. On en a profité après.

Et là, il a eu une attaque et voilà…

Mais on est bien quand même, on est ensemble. On a travaillé, on a eu une bonne vie, on est bien. Dommage qu’on ai ça, ces problèmes de santé, sinon, on serait à travers le monde.

J’ai six enfants, dix petits enfants et cinq arrières petits enfants.

Ils ne sont pas loin. Et ils viennent tous me voir, tous les jours, les uns après les autres. Les uns après les autres, tous les jours, ils viennent me voir.

Josette et Claude 76 ans et 74 ans

Jacqueline 77 ans :

  • Comme ça tous les jours, vous avez quelqu’un.

Suzanne 91 ans :

  • Vous êtes riche ! C’est une belle famille.

  • Ici, il y a plus de veuves que de veufs

Josette, 77 ans.

Moi je parle pour lui, il ne peut pas parler, il a fait une attaque, il s’appelle Claude. Je suis Josette, sa femme.

J’étais dans un village, dans une ferme, j’avais cinq sœurs et deux frères.

Avant, on travaillait trop jeune. Moi, à quatorze ans, j’étais en vendanges à Saint Gilles. Mon père menait des cols, on appelle ça des cols ; c’est à dire qu’il ramassait des hommes qui partaient pour un mois pour les vendanges pour un patron. On partait tous en car. Les hommes partaient pour porter et nous, c’était pour vendanger le raisin. On vivait là-bas sur place un mois, on vendangeait, on mangeait, on dormait. Quand on rentrait, on était tellement fatigué qu’on n’avait pas l’envie de sortir pour aller danser. C’était pendant les vacances mais ça coupait un peu sur un mois d’école mais ça faisait rien.

Quand on est rentré, on était content d’avoir des sous avec ma sœur. On se disait en rentrant à la maison, on a des sous, on va pouvoir s’acheter ce qu’on veut. Toujours, on attendait que mon père nous donne les sous. Un jour, mon père part pour une foire et il est revenu avec deux vaches. On attendait toujours et un jour, j’ai dit à ma mère :

– Mais pourquoi le papa, il ne nous donne pas les sous pour notre travail.

– Mais tes sous, ils ont acheté des vaches.

C’était le coup de dire.

– Ah ! Les vaches !

Quand on voit qu’on a travaillé et qu’on n’a pas de sous, ça fait drôle. Mais on n’était pas malheureux et notre père avait les vaches.

Claude, sa vie, est un peu à part, il a eu trois frères mais deux sont morts.

Notre histoire, c’est quelque chose qu’on ne peut pas oublier.

On était dans le même village. Nos maisons se touchaient.

Je me suis mariée très jeune, j’ai vite eu six enfants. Mais mon mari est décédé d’un cancer et je suis restée avec les six gamins. On ne roulait pas sur l’or. Moi, pour m’occuper de mes six gamins, je ne travaillais pas. Il n’y avait que mon mari qui travaillait. On avait un peu à la ferme mais pas beaucoup. Mais à la mort de mon mari, on avait encore moins.

Lui, c’était mon voisin. C’était un voisin exceptionnel. Il faisait tout ce qu’il fallait faire et pas que pour moi. Il avait un cœur en or et pour tout le monde. A la mort de mon mari, il a toujours été là. Il m’a aidé beaucoup. Sans lui, je ne sais pas comment j’aurais fait. On s’est rapproché. Et après, un bon moment, on a décidé de se mettre ensemble et on s’est marié. Et ça fait quarante ans qu’on est ensemble.

Josette et Claude, 76 et 74 ans.