Moi je parle pour lui, il ne peut pas parler, il a fait une attaque, il s’appelle Claude. Je suis Josette, sa femme.

J’étais dans un village, dans une ferme, j’avais cinq sœurs et deux frères.

Avant, on travaillait trop jeune. Moi, à quatorze ans, j’étais en vendanges à Saint Gilles. Mon père menait des cols, on appelle ça des cols ; c’est à dire qu’il ramassait des hommes qui partaient pour un mois pour les vendanges pour un patron. On partait tous en car. Les hommes partaient pour porter et nous, c’était pour vendanger le raisin. On vivait là-bas sur place un mois, on vendangeait, on mangeait, on dormait. Quand on rentrait, on était tellement fatigué qu’on n’avait pas l’envie de sortir pour aller danser. C’était pendant les vacances mais ça coupait un peu sur un mois d’école mais ça faisait rien.

Quand on est rentré, on était content d’avoir des sous avec ma sœur. On se disait en rentrant à la maison, on a des sous, on va pouvoir s’acheter ce qu’on veut. Toujours, on attendait que mon père nous donne les sous. Un jour, mon père part pour une foire et il est revenu avec deux vaches. On attendait toujours et un jour, j’ai dit à ma mère :

– Mais pourquoi le papa, il ne nous donne pas les sous pour notre travail.

– Mais tes sous, ils ont acheté des vaches.

C’était le coup de dire.

– Ah ! Les vaches !

Quand on voit qu’on a travaillé et qu’on n’a pas de sous, ça fait drôle. Mais on n’était pas malheureux et notre père avait les vaches.

Claude, sa vie, est un peu à part, il a eu trois frères mais deux sont morts.

Notre histoire, c’est quelque chose qu’on ne peut pas oublier.

On était dans le même village. Nos maisons se touchaient.

Je me suis mariée très jeune, j’ai vite eu six enfants. Mais mon mari est décédé d’un cancer et je suis restée avec les six gamins. On ne roulait pas sur l’or. Moi, pour m’occuper de mes six gamins, je ne travaillais pas. Il n’y avait que mon mari qui travaillait. On avait un peu à la ferme mais pas beaucoup. Mais à la mort de mon mari, on avait encore moins.

Lui, c’était mon voisin. C’était un voisin exceptionnel. Il faisait tout ce qu’il fallait faire et pas que pour moi. Il avait un cœur en or et pour tout le monde. A la mort de mon mari, il a toujours été là. Il m’a aidé beaucoup. Sans lui, je ne sais pas comment j’aurais fait. On s’est rapproché. Et après, un bon moment, on a décidé de se mettre ensemble et on s’est marié. Et ça fait quarante ans qu’on est ensemble.

Josette et Claude, 76 et 74 ans.