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Dans la commune de La Seyne près de Toulon, il y a une avenue Marcel Paul qui passe devant la subdivision EDF. Cette avenue a été baptisée ainsi après la mort de Marcel Paul.

Avant, La Seyne, c’était une commune rouge mais depuis c’est devenu une commune de droite.

A la mort de Marcel Dassault, la nouvelle mairie a décidé de débaptiser l’avenue Marcel Paul pour la rebaptiser avenue Marcel Dassault.

On a monté un comité pour empêcher ça mais la nouvelle mairie ne voulait rien savoir.

Alors, les copains du bureau du parti communiste ont écrit à la veuve de Marcel Dassault pour l’informer de ce qu’il se passait.

Et la veuve de Marcel Dassault a écrit au maire de La Seyne pour lui dire de laisser le nom de Marcel Paul à cette avenue car si son mari Marcel Dassault était revenu vivant de Buchenwald c’était grâce à Marcel Paul qui lui avait sauvé la vie*. Elle lui a dit qu’il ne fallait pas toucher à ce nom, qu’il ne fallait pas toucher à cette histoire.

Alors, la mairie a laissé le nom et on peut toujours passer dans cette ville avenue Marcel Paul.

*En fait les Nazis voulait que Marcel Dassault révèle où étaient cachés ses brevets de moteur d’avion et Dassault qui refusait de leur livrer ses secrets et qui avait peur d’être torturé avait été voir Marcel Paul qui contrôlait un réseau de résistance à l’intérieur de Buchenwald. Et c’est les communistes du camp qui ont creusé une cave où Marcel Dassault a été caché jusqu’à la libération du camp et ainsi les nazis ne l’ont jamais retrouvé.

Marcel Paul s’appelait Marcel Paul parce que c’est un enfant trouvé. Quand il a été abandonné en pleine rue à Paris en 1900, on connaissait pas son nom. La rue s’appelait Marcel quelque chose alors on lui a donné ce prénom et pour le nom, c’est celui de l’orphelinat où il a été élevé, c’était l’orphelinat Saint Vincent de Paul chez les religieuses à Paris.

C’est pour ça qu’il s’appelle Marcel Paul et qu’aujourd’hui, des rues portent son nom.

Mon grand-père disait toujours que pour exister, il faut se battre, que le monde est un perpétuel combat. Ce n’était pas mon vrai grand-père, c’était le frère de mon grand-père. Mon vrai grand-père, je ne l’ai jamais connu car il est mort en 17, sur le chemin des Dames à l’offensive du général Nivelle. Mon vrai grand-père est mort juste après avoir conçu mon père lors d’une permission. Ma grand-mère était enceinte et elle s’est retrouvée veuve. Mon grand-père n’a jamais connu son fils et mon père n’a jamais connu son vrai père. Après la guerre, ma grand-mère s’est remariée avec le frère de mon grand-père. C’est comme ça que mon grand-père est aussi mon grand-oncle.

Mon grand-père m’a raconté beaucoup d’histoires sur la guerre et sur la vie. Il m’a raconté qu’il était devenu nettoyeur de tranchée pendant la grande guerre. Les nettoyeurs de tranchée, c’est ceux qui allaient dans la tranchée Allemande, une fois que la première ligne ou la deuxième ligne était passée pour achever ceux qui étaient encore en vie à la baïonnette. Il n’avait pas le choix c’était soit ça, soit le peloton d’exécution pour mutinerie si tu refusais. Il m’a raconté qu’il montait en ligne, chargé à l’alcool de betterave, pour se donner du courage.

Mon grand-père m’a raconté tout ça longtemps après, vers la fin de sa vie. C’est des gens comme lui qui m’ont appris l’importance de se battre, non pas à la guerre dont il avait complètement horreur, mais pour la vie, pour exister, pour faire le monde.

Aujourd’hui, les gens ne font plus grève, ils se suicident.

Aujourd’hui, les gens ne se battent plus, il n’y a plus de lutte, ils ne sont plus ensemble, ils sont seuls et on ne lutte pas seul.

C’est comme dans la phrase de Victor Hugo que j’avais entendue quand j’étais jeune dans la bouche de mon grand-père :

– Ceux qui vivent sont ceux qui luttent et les autres, je les plains.

Moi, ceux qu’ont jamais fait grève, ceux qu’on jamais été dans une manif, je les plains. Je les plains pour eux même déjà parce qu’ils ont raté quelque chose de fort au niveau de l’humain, au niveau de la fraternité, de l’amitié gagnée dans la lutte. Les amitiés gagnées dans la lutte, c’est des amitiés fortes qui durent toujours. Puis je les plains au niveau des autres parce qu’ils ne se sont pas battus pour faire ce monde tous ensemble, pour défendre leurs droits.

Il n’y a pas de neutralité dans la lutte quand tu ne te bats pas pour ta retraite ou pour tes idées, c’est les idées des autres qui gagnent et ils imposent leurs lois.

J’ai participé à beaucoup de lutte en 34 ans d’EDF.

On parle beaucoup des grandes dates, des grandes bagarres comme 68, 95 ou récemment contre le CPE. Ça c’est un peu les luttes vedettes. Mais les gens voient pas les petites luttes de tous les jours, la résistance au quotidien dans les services, dans les bureaux, sur les chantiers. C’est là où c’est le plus dur.

Puis il y a toutes les grandes grèves qu’on fait et qui sont pas célèbres.

Moi, je peux compter sur les doigts d’une main, les grèves que j’ai pas faites depuis 34 ans. C’est simple, l’autre fois, je rangeais mes papiers et je me suis amusé à regarder sur les feuilles de payes les retraits sur salaire que j’avais eu pour fait de grève. J’ai entre 4 et 23 jours de grève par année.

Au total, je suis à 211 jours de retenue sur salaire. Ça fait plus d’un an de grève, plus d’une année de salaire en moins sur une vie de travail.

La lutte, pour moi, c’est la possibilité d’aller jusqu’au bout de ses idées.

Toutes les grandes grèves, de 68 à 95, je les ai faites. On perdait beaucoup d’argent. Les médias oublient de dire que les ouvriers perdent beaucoup d’argent dans les grèves. Mais c’était la seule façon de défendre nos droits.

La lutte, c’est pour nous mais c’est aussi pour ceux qui viennent après nous. Faire grève c’est aussi penser aux jeunes qui nous suivent. Les deux grandes luttes que j’ai vécues sont 68 et 95. C’était très fort.

Je me suis syndiqué à l’âge de 18 ans et 43 ans plus tard, je le suis toujours et je participe aux luttes d’aujourd’hui. Mes cheveux ont blanchi mais mes idées n’ont pas pris une ride.

J’ai participé aux manifs contre le CPE, j’étais avec tous ces jeunes, coude à coude, à marcher dans la rue. C’était beau à en pleurer ces manifs avec ces foules de jeunes qui chantaient à plein poumons.

On lutte pour l’honneur, pour défendre nos valeurs humaines, pour mettre en avant l’idée de l’homme.

C’est l’humain qui prime dans la lutte.

Quand j’étais gosse, mon héros préféré, c’était Robin des Bois. J’adorais ce gars qui volait les riches pour donner aux pauvres. Moi, aujourd’hui, je fais partie des Robin des Bois.

Les Robins des bois, c’est une association qui s’est créée suite aux mouvements de grève contre la privatisation d’EDF. On avait planté une grande tente Marabout sur la place de la Comédie, au cœur de la ville, devant le grand Palais à Bordeaux.

Le soir, on partait pour remettre le courant chez des gens dans la nécessité qui avaient été coupés pour impayés dans la journée. On partait avec les véhicules bleus et on scotchait les plaques d’immatriculation pour pas être sanctionné.

On rétablissait le courant puis on mettait un Autocollant qu’on avait fait fabriquer pour dire que c’était nous, les Robins des Bois, qui avions remis l’électricité et non la personne coupée.

On faisait des coupures aussi. Une anecdote, on avait décidé de couper le compteur du baron Ernest Antoine Sellière, l’ancien patron du MEDEF, arrivés sur place, on s’est aperçu que ce monsieur qui a une magnifique résidence secondaire n’avait pas de compteur et ne payait donc pas son électricité.

C’est à la suite de ce mouvement que sont nés les Robins des Bois.

Les Robins des Bois, c’est prendre aux riches pour donner aux pauvres.

Et aujourd’hui, les Robins des bois, on est toujours là. Les Robins des Bois sont discrets de façon à ne pas se faire prendre et à pouvoir continuer leur action. La direction nous considère comme des hors-la loi mais il y a une vraie solidarité entre nous et le mouvement est devenu très populaire.

On a édité des tee-shirts, des autocollants pour montrer qu’on existe. Aujourd’hui, on continue à laisser l’électricité aux plus démunis. Partout où on rétabli, on est accueilli de manière magnifique par les gens qui sont dans la misère.

Aujourd’hui, on informe tout le monde de ce qu’on fait, pour dénoncer la privatisation de L’EDF et dire que l’électricité et le gaz sont pour tous et non pour des actionnaires privés uniquement intéressés à réaliser des profits sur le dos des gens.

Aujourd’hui, il y a de plus en plus de coupures d’électricité parce qu’il y a de plus en plus de pauvreté. Les gens, les jeunes, les vieux sont de plus en plus dans la misère et ils peuvent plus payer leurs loyers et leur électricité.

Aujourd’hui, il faudrait de plus en plus de Robins de Bois.

La politique d’EDF dans le Nord, c’est maintenant de récupérer le plus de fric possible en organisant des coupures à outrance, hiver comme été. La seule période où on ne coupe pas, c’est entre Noël et jour de l’an pour la trêve des confiseurs. Le trois janvier, on recommence à couper. C’est du vingt à trente coupures par jour en moyenne.

Si tu refuses de couper, on te menace de sanction pour refus d’obéissance. Toi, tu parles de la précarité, des gens dans la misère et des gosses qu’ont rien à bouffer mais on te dit :

– Si, ils ne payent pas, on coupe.

Tu vois de plus en plus de misère et la misère, on la coupe. On n’imagine pas ce que c’est de voir la misère, de voir une baguette et une bouteille de lait pour cinq gamins et toi, tu dois les couper. Avant, quand je voyais ça, j’allais en mairie, j’appelais l’assistante sociale pour dire qu’on ne pouvait pas couper des gens comme ça. Avant 2000, on avait cette liberté de pouvoir faire du bien, de pouvoir aider, de prendre du temps en cas de besoin. Maintenant, si tu ne coupes pas, c’est une faute professionnelle.

Alors, moi, quand je dois couper la misère, je ne coupe pas. Je dis que j’ai coupé et en fait, je laisse le courant avec un macaron CGT Lutte contre la précarité.

Aujourd’hui, on bosse pour tous les fournisseurs. Moi, en tant qu’agent PI, je peux faire des coupures pour Direct énergie, Poweo, EDF ou GDf qui est maintenant un concurrent d’EDF et qui vend de l’électricité. Pour chaque coupure impayée, c’est facturé 150 euros, quel que soit le fournisseur. En sachant que ce ne sont pas des philanthropes, ils répercutent la facture aux clients.

On est en train de mettre en place à la place du service public un service du fric.

Mais on ne se laisse pas faire, on continue à agir. Je me souviens d’une action qu’on avait menée. C’était l’hiver 2003 et il y avait eu le décès d’une famille avec des enfants suite à une coupure non-paiement. Les gens sans électricité avaient utilisé des bougies qui avaient enflammées leur appartement et toute la famille était morte. Suite à ça, on avait fait grève contre les coupures hivernales. On avait été voir le sous-préfet pour dénoncer la politique d’EDF et pour lui demander de prendre des mesures préventives pour assurer la sécurité des personnes en difficulté et éviter d’autres désastres. Sur le parvis de la sous-préfecture, on s’était dit :

Qu’est-ce qu’on fait pour faire savoir tout ça ?

On a décidé de rétablir toute une cité minière où plein de gens avaient été coupés puis de basculer l’hôpital de Béthune en heures creuses. On s’est organisés en deux groupes ; un à l’hôpital et un deuxième groupe d’une vingtaine de copains sont partis pour rétablir les gens coupés.

Opération Rétablissement Robin des Bois. Les gars étaient cagoulés pour pas être reconnus et on a rétabli toutes les personnes coupées en collant un petit macaron CGT. Les gens étaient contents, ils avaient du courant pour se chauffer et ils nous remerciaient.

On avait fait venir La voix du Nord qui est un canard de chez nous. Et le journaliste avait pris plein de photos et on lui avait expliqué la politique de coupure à outrance d’EDF. Le lendemain, l’article paraît. Creux. Vide. Rien ! Je rappelle le journaliste :

– J’ai lu votre article et il n’y a rien de ce qu’il s’est passé et de ce que nous vous avons dit.

Il me répond :

– J’ai un rédacteur en chef qui m’a expliqué qu’EDF, c’est plusieurs dizaines de milliers d’euros de pub par an pour le journal. Voilà ce qu’il s’est passé.

Moi, je suis un enfant de 36 et un petit fils de la Commune de Paris.

C’est ma grand-mère qui m’a raconté la Commune de Paris, elle a connu le massacre des communards par les Versaillais. Mon grand-père était mort à la guerre de 14-18.

C’est mon père et ma mère qui m’ont raconté le front Populaire.

Mon père m’a raconté les manifs avant 36, en 34 contre les fascistes qui voulaient prendre le pouvoir en France pour faire comme en Italie et en Allemagne. Il m’a raconté comment, en 34, les gardes mobiles chargeaient à cheval sur la foule à coups de sabre. Il m’a raconté comment eux passaient derrière les chevaux pour trancher les jarrets des chevaux avec des serpettes pour les faire tomber au sol. Mon père a fait un mois de prison en 34.

Puis le front populaire avec ses luttes et toutes ses chansons magnifiques. Mon père et ma mère m’ont appris toutes les chansons du front populaire. On chantait

Ma blond’, entends-tu dans la ville

Siffler les fabriques et les trains ?      

Allons au devant de la vie      

 Allons au devant du matin*


Moi, j’ai 70 ans comme le front populaire. Moi, le front populaire j’y étais. En mai 36, j’étais dans le ventre de ma mère qui manifestait avec mon père sur les boulevards Parisiens. Je suis né en juillet 1936.

Ma mère m’a raconté qu’en sortant de son ventre, j’avais déjà le bras levé et le poing fermé. C’est pour ça que je dis que Je suis un vrai enfant de trente six et un petit fils de la commune.

* Extrait de la chanson Au devant de la vie. La plus répandue des chansons du Front Populaire, surtout auprès des jeunes, elle est devenue le symbole du Front Populaire.

 

J’ai commencé à travailler à 14 ans parce que mon père n’avait pas survécu à son retour des camps de travail en Allemagne. A 17 ans, j’ai eu droit en tant que fils d’agent décédé de rentrer dans la maison comme apprenti. Premier accueil, le contremaître qui était un ancien de l’époque du privé m’a dit :

– As-tu des outils toi ?

A cette époque, on achetait nos outils. Je n’avais pas un rond. Je lui ai dit que non.

– Bien, tu vas en chercher si tu veux travailler comme apprenti.

Le chef d’équipe était là et il a dit au contremaître :

– Toi, ta gueule ! Fous-moi le camp ! Ce mec là, c’est moi qui le prends en charge.

Le contremaître a eu peur et il est sorti et l’homme qui avait parlé m’a dit :

– Tu vois, mes outils sont là et tu peux t’en servir tant que tu veux à partir d’aujourd’hui. La seule chose que je te demande, c’est de les nettoyer et de les remettre à leur place chaque fois que tu t’en serviras. Maintenant t’es avec moi et c’est pas ces autres cons qui vont te commander mais moi qui vais t’apprendre le travail.

Ce monsieur s’appelait Charles Laquenne. Au début, je l’appelais monsieur mais au bout de deux ans, je l’appelais Charlot. Charlot, à partir de ce jour, c’est devenu plus qu’un pote, un second père. C’était un Dieu pour moi. Il prenait son temps pour m’apprendre les secrets du métier. Charlot était du PC et il m’a initié à la politique et à la lutte. Il m’a dit très vite :

– Tu vois jeune, il y a deux classes. Il y a ceux qui ont tout et ceux qui ont rien. Il y a ceux qui triment et qui luttent pour avoir des sous, c’est nous, et, il y a les autres, ceux qui ont tout et qui nous font trimer, ceux là sont à tuer.

C’était simple, c’était clair.

J’ai commencé comme arpète en équipe travaux. Nous, le matin, on partait dans la ville ou la campagne avec nos poussettes. C’était des sortes de gros chariots à bras en bois avec de grandes roues et on chargeait notre matériel dedans, nos fils de cuivre, nos outils et nos échelles de douze mètres. On poussait nos carrioles dans les rues de Saint Lô. Après la guerre, Saint Lô avait été complètement détruite, il n’y avait plus rien. On plantait des poteaux pour amener le courant partout. On faisait nos trous à la barre à mine et à la pelle curette. On levait les poteaux à la fourche. On faisait tout à la main et sans la moindre machine. On voyait les maisons se reconstruire, la ville reprendre vie. On était fier, on était heureux. On gagnait très peu et comme mon frère, je donnais tous mes sous à ma mère qui élevait mes cinq petits frères et sœurs.

Mais le matin, on avait tous le sourire, même dans la mouise, on était tellement content de se retrouver chaque jour. L’EDF, c’était une famille, c’était la fête pour les anniversaires, les naissances, les mariages. C’était pas triste, c’était l’amitié, c’était la camaraderie, c’était le Bonheur.

Quand Charlot est parti à la retraite, il a quitté ses fonctions de délégué syndical et c’est moi qui ai repris le flambeau. J’avais vingt huit ans et j’étais très fort. Quand Charlot est parti à la retraite, il m’avait légué sa caisse à outils. Il m’avait dit :

– Tiens, c’est pour toi, j’en n’ai plus besoin maintenant. Continue à bien les soigner.

Cette caisse, je l’ai toujours gardée avec moi. Il ne manque pas un outil. Elle est au fond du garage et de temps en temps, je nettoie les outils et je repense à Charlot.

Devant la porte de l’usine, le travailleur soudain s’arrête

Le beau temps l’a tiré par la veste

Et comme il se retourne et regarde le soleil

Tout rouge, tout rond

Souriant dans son ciel de plomb

Il cligne de l’œil familièrement

Dis donc camarade Soleil ! Tu ne trouves pas que c’est un peu con
de donner une journée pareille à un patron ?

Poème de jacques Prévert extrait du recueil Paroles

J’ai commencé à travailler, c’était avant la guerre, avant 36 et le front populaire, avant les nationalisations.

En ce temps-là, c’était pas difficile, c’était le travail. Tu faisais ça ou tu t’en allais. Ils te prenaient à l’essai dès treize ans. Si tu faisais pas le boulot tu étais viré.

Les patrons, c’étaient les patrons. Cette centrale où j’ai commencé, c’était une usine qui était réputée tourner avec très peu de personnel parce que les actionnaires, ils venaient fourrer leur nez sans arrêt. Les actionnaires demandaient toujours plus. C’était avant la guerre. Tout était privé.

Il y avait le moins possible de personnel et tout était fait par la centrale. Tu travaillais toute l’année et il faisait pas bon être malade.

Si tu ramenais ta fraise, tu étais viré, c’était simple.

Quand c’est le privé, c’est le privé. On travaillait 48 heures par semaine et 52 semaines par an.