Category Archives: graines de Paimpol

Pour moi, pour vivre ici en tant que jeune, le plus dur, c’est de trouver du travail à temps plein. C’est beaucoup agricole, avec des fermes mais sinon, c’est beaucoup de maisons secondaires avec une population vieillissante. Le peu de jeunes qu’il y a s’en vont pour trouver du travail à la ville. Le moteur, c’est le travail.

Je suis arrivé ici, à 25 ans et j’en ai 33. Ça va faire 7 ans que je vis à l’île à Bois comme gardien et j’en ai fait des boulots ; de la maçonnerie, de la plomberie, de la toiture, j’ai fait les champs, j’a fait les serres. J’ai fait tout ce que je pouvais trouver et essayer. J’ai même travaillé dans les jardins et dans les piscines, j’ai travaillé à la déchetterie pour la ville, j’ai même fait éboueur. Mais à chaque fois, c’était des CDD en saisonnier et quand c’était fini, il fallait tout recommencer. Et les boulots, c’est que des métiers durs, physiques et mal payés. Du boulot comme ça, il y en a, j’ai toujours trouvé du travail, je n’ai jamais chômé en 7 années et j’ai toujours eu la niaque et j’ai trouvé de quoi me nourrir

J’ai fait les huîtres pendant un an et demi, je suis passé chef d’équipe mais les gars qui étaient embauchés comme intérimaire touchaient 200 euros de plus que moi à la fin du mois. C’est toi qui forme l’intérimaire et qui lui montre ce qu’il faut faire et il touche plus que toi.

Il y a tellement de monde sur le marché du travail que quand il y a une offre intéressante, tu postules et tu te retrouves en compétition avec plus de 100 candidats. J’étais fatigué de tout ça. J’ai préféré arrêter pour monter ma boîte et ne plus être exploité. Avant, on n’ose pas, on a peur de faire le pas mais une fois qu’on l’a fait, on se rend compte qu’on en est capable. Il suffit de prendre confiance et de se lancer.

Je comprends qu’il n’y ait pas de jeunes qui viennent. J’ai la niaque, j’ai la volonté et la capacité de m’adapter à plein de métiers. Pourtant, j’ai fait des études, j’ai un BTS de gestion des espaces en milieu naturel. D’habitude, on sort des études, on cherche un boulot et on déménage là où il y a du boulot. C’est ce que j’ai fait au départ puisque j’ai commencé au Gabon pour une grosse entreprise forestière mais voilà, quand ça a été racheté par les Chinois, c’était fini pour moi, j’ai été licencié.

Alors, on a réfléchi et on a décidé de faire autrement avec ma femme. On a trouvé un super lieu de vie sur l’île à Bois avec le bateau devant la maison et un coin merveilleux. Ici, le cadre de vie est idéal ; il y la pêche, les grandes marées à pied, les ormeaux, les homards à gogo. C’est sympa pour vivre mais à l’inverse de ça, pour trouver du boulot dans le coin, on peine. Mon épouse, c’est pareil, elle a tout essayé mais, elle n’a rien trouvé sur le long terme. On a eu une petite et on s’est dit que si on veut rester, il faut créer notre métier. Cette année, on a créé chacun notre truc et on espère que ça va marcher. Mais, je comprends qu’il n’y a pas de jeunes. Avec notre fille, il n’y a que deux autres enfants. Ça fait 3 enfants pour tout le village à vivre à l’année. L’école est à Lézardrieux et il faut les emmener là-bas.

A la différence de Brest, ici, à Kermouster, il y a quelque chose de fort, un peu comme dans une grande famille. Il y a un vrai esprit de village, d’aide et d’entraide. Ici, tout est centré sur le bourg, c’est vrai qu’on est peu nombreux mais tout le monde se connaît. Même si je suis une pièce rattachée, je me sens bien ici.

Pierre, 33 ans.

A la Cambuse, de temps en temps, je bois une Suze. Vous savez pourquoi ?

C’est en souvenir d’un copain à moi et avec qui j’avais souvent navigué. Un jour, il s’est noyé. Alors, de temps, je prends une Suze en pensant à lui.

Daniel, 75 ans.

Ici, avant, c’était la terre et la mer, les deux, les paysans et les marins. Mes parents sont originaires d’ici et je suis née et j’ai grandi à Kermouster. Après, je suis parti pendant 35 ans pour suivre mon mari qui était militaire. Et on est revenu vivre dans la maison de nos origines pour la retraite.

Ça fait 9 ans que je suis là et que je tiens la Cambuse. Ici, on voit plein de dessins d’enfants mais ce ne sont pas des enfants du village qui les ont faits, ce sont les enfants des vacanciers. Tous les ans, on fait un concours de dessins avec les enfants.

Ici, l’été, c’est plein de monde dans toutes les maisons, c’est plein d’enfants qui viennent en vacances mais le reste du temps, non. Il n’y a plus que 5 enfants dans tout le village. On est 120 personnes comme votants. C’est beaucoup de résidences secondaires et c’est le village des volets fermés presque tout le temps. L’été, ça bouge, et, l’hiver, il n’y a plus personne. Là, on est fin août et beaucoup sont déjà partis, je n’entends plus les enfants qui courent avec leurs bottes.

Avant, il y avait plein d’enfants dans le village et même ici car c’est une ancienne école. Il y avait 2 salles de classe. Dans la pièce à coté, c’est l’ancienne salle de classe des petits et sur les murs, on voit encore les photos de classe avec les enfants qui venaient dans cette école. Sur la photo, on voit la porte qui est restée la même. J’ai même une photo où on voit ma maman quand elle était petite avec sa classe. Toutes ces photos sont celles des enfants qui sont venus ici. J’en récupère comme ça petit à petit que les gens me donnent.

Je suis venue moi aussi dans cette école quand j’étais enfant. J’ai fait toute ma primaire ici. J’ai appris à lire et à écrire entre ces murs. On avait le manuel Bauchet. On se faisait encore taper sur les doigts quand on faisait des erreurs. On mettait les doigts à plat sur la table et on se prenait des coups de règle carrée. Il y avait des règles en bois et d’autres en fer. Ça faisait mal mais on ne disait rien en rentrant à la maison. Si on se plaignait, les parents nous disaient :

– Si tu as été punie c’est que tu l’as mérité.

On devait se mettre en rang, ne jamais parler. C’était la discipline mais on apprenait bien. Il y avait les enfants qui apprenaient mal en fond de classe. Ils étaient comme rejetés et on ne s’en occupait pas et c’est quelque chose que je n’aimais pas du tout. Pour moi, ce n’est pas bon de rejeter un enfant, les enfants qui ont des difficultés ont le droit aussi d’apprendre.

On avait jusqu’à 70 enfants à l’école. L’école s’est fermée dans les années 80.

Avant, pareil, il y avait 3 cafés dans le village puis, après, plus un.

L’école a été transformée en café commerce après, par la mairie. Ici, à la Cambuse, je suis ouvert toute l’année, tous les jours sauf le mardi où je prends une journée pour faire les courses. Sinon, tous les jours, même le dimanche, c’est ouvert. C’est le seul lieu d’ouvert du village, ici, quand c’est fermé, il n’y a nul part où aller. On fait de temps en temps des soirées apéros et musique ou chansons. Ici, à Kermouster, on est soudés.

Je l’ai appelé La Cambuse parce que c’est là où on met les vivres sur un bateau.

C’est bien, c’est beau de faire un projet sur la mémoire.

Sylvie

Avec la mémoire, on peut se rappeler de notre enfance pour se mettre de bonne humeur.

Malo, 8 ans.

A l’origine, je ne suis pas d’ici. On venait pour les vacances au sillon de Talbert avec mes parents. Ils ont adoré le coin et on y est resté. Mon papa était assez vieux et quand il s’est retrouvé à la retraite, ils ont décidé de venir vivre ici. Je suis arrivé en 1973. J’étais jeune, j’avais 13 ans. On n’est plus reparti. On venait du Nord de Maubeuge

Au début, c’était un peu dur, moi qui avait l’habitude d’être en ville, où ça bougeait quand même plus qu’ici. L’hiver, ici, en Bretagne, en bords de mer, houlà !

Mais aujourd’hui, je ne repartirai pas, je ne déménagerais d’ici pour rien au monde. Je ne vais même plus dans le Nord, c’est pour vous dire.

Ma femme, c’est une Bretonne qui est née à 4 kilomètres d’ici. Mes enfants sont nés ici. Maintenant, je suis vraiment dans le pays.

Ici, tu vis avec le paysage et à la fin tu n’y fais même plus attention. Mais dès que tu lèves la tête, t’en prends plein les yeux

Moi, je suis routier, ça fait 15 ans que je suis routier. Il me reste encore 3 ans à faire.

Et mon fils est marin. Mon fils a embarqué sur Britanny Ferries et moi, j’ai embarqué dans les camions.

Avant, j’étais gardien de l’île à Bois.

Je faisais tout ce qu’il y a à faire ; l’entretien, les courses. Ma femme faisait la cuisine. J’ai fait ça pendant 14 ans. On faisait ça pour les propriétaires qui vivaient là. Après, ça c’est arrêté parce qu’ils ont supprimé le poste de gardien salarié. C’était un bon job très sympa. Des fois, je prenais mon bateau et je traversais en 10 minutes et j’allais boire un coup à Loguivy. Fallait pas que je boive de trop de l’autre coté parce qu’il fallait revenir.

On l’appelle l’île à Bois mais en fait, c’est une presqu’île car elle est reliée par une digue à la terre. Avant, il n’y avait pas de digue et c’est du temps de la guerre, quand il y avait les Allemands qui se sont installés sur l’île qu’ils ont fait faire la digue. Mon beau-père qui est d’ici, à travailler avec d’autres à la construire. Ils n’avaient pas le choix.

Plus tard, il m’a dit :

– Si j’avais su que mon beau-fils viendrait y travailler comme gardien.

Et il rigolait.

Patrice

Le premier texte qui parle officiellement du moulin date de 1637 et concerne un héritage. Le moulin, existe depuis 1600 environ. Il a été transmis de famille en famille. Au départ, il appartenait à un seigneur local mais au moment de la Révolution française en 1792, ils ont fui comme beaucoup d’autres nobles. Quand ils ont émigré, le moulin a été vendu en 1793 comme bien national. C’est la convention qui a vendu tous les biens des émigrés et on a la description très exacte de la vente qui montre que ça n’a pas bougé depuis cette époque. Ça, c’était la maison du meunier, ça, c’était le moulin, ça, c’était la soue à porcs, ça c’était l’écurie ou l’étable. Seul un autre bâtiment a été construit en 1820, 1825 pour servir de grenier.

Avant, c’était un moulin « banal » qui appartenait au seigneur et tous les paysans devaient obligatoirement amener leurs grains au moulin ; ils arrivaient avec leurs grains et ils repartaient avec la farine et le meunier ne stockait pas. Mais, après la révolution, ils ont eu le droit de stocker car le meunier est devenu propriétaire. A partir de là, ils stockaient pour spéculer sur le prix de la farine.

Ce moulin, la digue et l’étang sont classés Monuments Historiques. C’est un moulin qui a 2 roues ce qui est assez rare. Il tournait 6 heures par jour. C’est le mouvement des marées qui permettaient de faire tourner les roues. A marée montante, une porte s’ouvre pour laisser passer l’eau et en fin de marée, cette porte se ferme sous la poussée de l’eau. Malheureusement, les portes sont cassées.

Aujourd’hui, l’étang n’est pas très profond car il est envasé mais, autrefois, les paysans venaient régulièrement chercher la vase pour l’épandre sur les champs. Tout ça s’est arrêté après la deuxième guerre mondiale.

Le moulin a cessé de fonctionner exactement à la Toussaint de 1961.

Le grain était amené par des charrettes tirées par des chevaux ou par bateaux.

Ce sont des anciens qui ont vécu tout ça qui nous l’ont raconté.

Le fils du dernier meunier nous avait raconté toute l’histoire de son père, le père Kerlot qui faisait tourner son moulin sans électricité. Le fils du meunier qui était sergent dans l’armée de l’air est venu pour le décès de son père ; au cours de l’enterrement, les gens lui disent :

– Tu sais que ton père avait du grain à nous et il nous le doit. Il faut que tu fasses tourner le moulin pour nous donner la farine.

Le fils du meunier savait faire tourner le moulin et il se met au boulot. Il moud et fait de la farine. A la fin, il dit aux paysans :

– Ça y est, ta farine est prête, ça va te coûter tant.

– Ah ! Non ! Tu sais, j’avais donné des poules à ton père.

Quand le fils du meunier a vu ça, il a dit :

– Moi je ne marche pas comme ça.

Et il a mis en vente le moulin. C’était en 1961. Plus tard, il a pris sa retraite à Pleudaniel et on a été le voir. Il est venu ici et il nous a montré le fonctionnement du moulin et il nous a raconté pas mal de choses. Il est mort lui aussi depuis.

Tout ça, c’est écrit nul part.

Jean

La mémoire, ça sert à apprendre des histoires qu’on ne sait pas pour pouvoir les raconter à quelqu’un d’autre.

Tristan , 9 ans.

Le hasard nous a fait arriver ici par la mer comme les Saints Bretons.

Nous habitions Lyon et nous avions un bateau à voile, c’était un bateau assez grand car nous naviguions dessus pendant un mois l’été. Nous montions à bord le 14 juillet pour en redescendre le 15 août. Nous naviguions sur la Méditerranée occidentale que nous connaissons bien ; l’Espagne, la Tunisie, la Corse. Le plus loin, c’était Malte. Ce bateau devenait vieux et nous avons décidé de nous en séparer. C’était un bateau en bois et on nous a dit que nous aurions plus de chance de trouver acquéreur en Bretagne que dans le midi.

Alors, nous avons remonté la Saône, nous avons descendu la Seine jusqu’au Havre, , puis nous avons navigué par la mer jusqu’ici à Pontrieux.

Nous avons été reçus par des amis qui nous ont fait connaître ce coin charmant. Nous avons laissé notre bateau pendant un an. Au cours de l’hiver, nous sommes venus plusieurs fois pour voir si notre bateau allait bien ; chaque fois, nous trouvions le pays vraiment très charmant.

Nous sommes tombés amoureux de la rivière et de l’estuaire.

L’été d’après, nous avons pris une location pour mieux connaître le coin et nous avons regardé les maisons qui étaient en vente. On nous a parlé d’un vieux moulin à mer sur le Trieux. Quand nous sommes arrivés, nous avons le un coup de foudre et nous l’avons acheté tout de suite. Presque en même temps que nous achetions la maison, nous avons vendu notre bateau. C’est l’époque où nous sommes partis en retraite et en arrivant ici, nous avons redémarré une autre vie.

Nous sommes tombés amoureux de ce moulin et 20 ans plus tard, nous en sommes encore amoureux.

En arrivant, nous nous sommes sentis comme des immigrés. Avant, nous ne nous étions jamais vraiment enracinés ; nous avons vécu à Lyon, à Paris mais aussi, entre temps, en Angleterre, aux Etats-Unis, en Allemagne.

Jean a un grand-père Lillois un autre de Saint Maixent, une grand-mère de Versailles et il est né à Nogent Sur Marne par hasard. D’où est-il avec tout ça ?

Finalement, ici, c’est l’endroit où nous avons vécu le plus longtemps, ici, nous nous sentons enracinés. Nous sommes des jeunes Bretons. Les racines, c’est là où l’on cherche la sève.

Nous profitons de notre nouvelle vie chaque matin. Nous vivons très proche de la nature ici, nous regardons les oiseaux. Nous avons des ragondins, des loutres, des hérons, des aigrettes, tout un tas d’espèces sauvages qui vivent naturellement par ici.

Nous ne nous lassons pas de vivre au milieu de cette nature.

C’était il y a 20 ans et depuis, nous sommes toujours là.

Aliette et Jean

Mon père avait fait la grande pêche et je l’ai suivi.

Moi, j’ai embarqué comme mousse en sortant de l’école maritime de Saint Malo qui, à l’époque, était spécialisée pour la grande pêche. Ma première campagne à 15 ans, j’ai commencé sur un vieux cargo de 82 mètres, un peu comme celui de la bande dessinée avec le capitaine Haddock. On était 70 à bords ; une partie de l’équipage était Français, c’était beaucoup des Bretons et l’autre partie, c’était des Réunionnais.

C’est une vie en communauté entre hommes. Quelques fois, il y a des heurts mais on a toujours réussi à s’entendre sans bagarre. On vit à bord, on dort à bord, on travaille à bord, on fait tout à bord, loin de tout. Mais, c’était quand même dur. Les conditions de travail aussi sont dures. Mais bon, c’était comme ça pour tout le monde et on s’habitue. Le but c’est de pêcher le plus possible et de charger le bateau. On était payé à la part et plus on pêche, plus on gagne et tout le monde donne.

Quand j’étais embarqué comme mousse ma première année, j’avais droit à ¼ de part. Quand je suis rentré à la maison, il ne me restait plus grand chose parce que quand on fait 5 mois de mer, quand on s’arrête à la Réunion au retour, ma paie de mousse, en grande partie est restée sur l’île.

Ma première campagne, à 15 ans, je m’en souviens très bien parce qu’on a eu un cyclone en plein océan Indien. Du très gros mauvais temps avec des vagues énormes plus hautes que le bateau. En plus, on s’est retrouvé 48 heures en panne de barre arrière. C’était le branle bas de combat. On était loin de tout, là où aucun bateau de secours ne peut venir avant 10 ou 12 jours. Aujourd’hui, il y a tous les systèmes de sécurité, les téléphones satellites, à l’époque, il n’y avait rien.

Je n’ai fait que 2 campagnes. Après, mon père a débarqué de la grande pêche et il a fait faire un bateau neuf de 11 mètres. C’était en 1968. J’avais 16 ans et à partir de là, j’ai fait la pêche côtière avec mon père.

C’est un autre métier, on rentre à la maison tous les jours quand on fait la pêche côtière.

A l’époque, c’était plein de bateaux dans le port de Loguivy. Je me rappelle bien de l’ambiance qu’il y avait. Quand les langoustiers rentraient, il y avait 4 ou 5 bonhommes par équipage et quand tout le monde débarquait, il y avait une sacrée ambiance sur le port. Il y avait les vieux qui étaient là, il y avait plein de bistrots et les bistrots étaient pleins tous les jours. Les gars réparaient les filets sur le quai, ça discutait, ça vivait. On a connu ça quand on était gamin, à sauter dans les canotes, à se faire engueuler par les vieux. Même si c’était pas riche, ça bougeait beaucoup.

Ça fait 2 ans que j’ai arrêté. On est bien content d’être arrivé au bout. J’ai vendu mon bateau et j’ai acheté un petit bateau de plaisance pour continuer à aller en mer et pour pêcher en plaisancier. J’ai mes 2 casiers, mon filet, un petit bout de ligne.

On garde quand même de bons souvenirs, des bonnes rigolades, on oublie ce qui a été dur. Des coups durs, ici, il y en a eu comme dans tous les ports.

Loguivy, il y a 20 ans, 40 ans, c’était pas comme ça et dans 20 ans ça ne sera pas comme ça. Il n’y a que ceux qui ont vécu tout ça qui se rappellent.

Gérard, 58 ans, rencontré Chez Gaud à Loguivy

On a eu un tout un tas de gens qui avaient des bateaux et qui venaient à Loguivy pour les régates du 15 août pour affronter les bateaux des pêcheurs. Les marins d’ici faisaient les régates sur leurs bateaux de pêche.

Cette époque, je l’ai connu un petit peu avec mon grand-père. Mon grand-père avait un bateau à voile qui s’appelait Gloire à Dieu et il régatait dessus. Mon grand-père n’aimait pas les bateaux à moteur, il en avait peur et il n’a jamais voulu mettre de moteur sur son bateau. Jusqu’à sa retraite il a navigué à la voile. Moi, j’ai été un petit peu en mer avec lui, je devais avoir 4 ou 5 ans. Mais à l’époque, il y avait déjà les bateaux à moteur.

Il y avait beaucoup plus de bateaux de pêche. Je me rappelle qu’il y avait des bateaux tout autour du port. J’ai des cartes postales, où on voit encore tout ça. Il y en avait bien une cinquantaine.

Aujourd’hui, il en reste une douzaine qui font la coquille, l’hiver et des filets à araignées et, au printemps, quand la coquille s’arrête, ils font toujours les filets à araignées et les casiers pour les homards et les crabes et aussi un peu de poissons.

Et, quand j’étais gamin, je me rappelle que les patrons des bateaux faisaient venir leurs équipages ici pour leur donner leur paye au bar. Mon père qui était pêcheur faisait pareil. Tout était en liquide à l’époque et les gars étaient payés de la main à la main. Tout était compté à table et il faisait le partage sur place ; une part ou 2 pour le bateau, une part ou 2 pour le patron, et le reste, divisé entre les matelots. La paie se faisait à la semaine. Si tu ne sortais pas à cause du mauvais temps ou autre chose, tu n’avais rien. Tu travaillais toute l’année, il n’y avait pas de dimanche ou de jours fériés.

Tous les pêcheurs avaient aussi leur jardin avec des bêtes qu’ils élevaient. Pour les grandes marées, ils allaient aux ormeaux, aux praires. A l’époque, tout le monde faisait son petit stand vendait directement dans la rue, c’était encore autorisé de faire ça.

J’ai toujours été ici.

Je pense que les gens qui vivent à Loguivy toute l’année ne sont sûrement pas riches mais ils vivent bien. Celui qui aime aller en mer, faire les grandes marées, faire du bateau, il n’est pas mal comme ça.

Il y a des gens d’ailleurs qui viennent vivre ici. Je ne me vois pas aller ailleurs.

Alain, 60 ans.