Mon père avait fait la grande pêche et je l’ai suivi.

Moi, j’ai embarqué comme mousse en sortant de l’école maritime de Saint Malo qui, à l’époque, était spécialisée pour la grande pêche. Ma première campagne à 15 ans, j’ai commencé sur un vieux cargo de 82 mètres, un peu comme celui de la bande dessinée avec le capitaine Haddock. On était 70 à bords ; une partie de l’équipage était Français, c’était beaucoup des Bretons et l’autre partie, c’était des Réunionnais.

C’est une vie en communauté entre hommes. Quelques fois, il y a des heurts mais on a toujours réussi à s’entendre sans bagarre. On vit à bord, on dort à bord, on travaille à bord, on fait tout à bord, loin de tout. Mais, c’était quand même dur. Les conditions de travail aussi sont dures. Mais bon, c’était comme ça pour tout le monde et on s’habitue. Le but c’est de pêcher le plus possible et de charger le bateau. On était payé à la part et plus on pêche, plus on gagne et tout le monde donne.

Quand j’étais embarqué comme mousse ma première année, j’avais droit à ¼ de part. Quand je suis rentré à la maison, il ne me restait plus grand chose parce que quand on fait 5 mois de mer, quand on s’arrête à la Réunion au retour, ma paie de mousse, en grande partie est restée sur l’île.

Ma première campagne, à 15 ans, je m’en souviens très bien parce qu’on a eu un cyclone en plein océan Indien. Du très gros mauvais temps avec des vagues énormes plus hautes que le bateau. En plus, on s’est retrouvé 48 heures en panne de barre arrière. C’était le branle bas de combat. On était loin de tout, là où aucun bateau de secours ne peut venir avant 10 ou 12 jours. Aujourd’hui, il y a tous les systèmes de sécurité, les téléphones satellites, à l’époque, il n’y avait rien.

Je n’ai fait que 2 campagnes. Après, mon père a débarqué de la grande pêche et il a fait faire un bateau neuf de 11 mètres. C’était en 1968. J’avais 16 ans et à partir de là, j’ai fait la pêche côtière avec mon père.

C’est un autre métier, on rentre à la maison tous les jours quand on fait la pêche côtière.

A l’époque, c’était plein de bateaux dans le port de Loguivy. Je me rappelle bien de l’ambiance qu’il y avait. Quand les langoustiers rentraient, il y avait 4 ou 5 bonhommes par équipage et quand tout le monde débarquait, il y avait une sacrée ambiance sur le port. Il y avait les vieux qui étaient là, il y avait plein de bistrots et les bistrots étaient pleins tous les jours. Les gars réparaient les filets sur le quai, ça discutait, ça vivait. On a connu ça quand on était gamin, à sauter dans les canotes, à se faire engueuler par les vieux. Même si c’était pas riche, ça bougeait beaucoup.

Ça fait 2 ans que j’ai arrêté. On est bien content d’être arrivé au bout. J’ai vendu mon bateau et j’ai acheté un petit bateau de plaisance pour continuer à aller en mer et pour pêcher en plaisancier. J’ai mes 2 casiers, mon filet, un petit bout de ligne.

On garde quand même de bons souvenirs, des bonnes rigolades, on oublie ce qui a été dur. Des coups durs, ici, il y en a eu comme dans tous les ports.

Loguivy, il y a 20 ans, 40 ans, c’était pas comme ça et dans 20 ans ça ne sera pas comme ça. Il n’y a que ceux qui ont vécu tout ça qui se rappellent.

Gérard, 58 ans, rencontré Chez Gaud à Loguivy