Ici, avant, c’était la terre et la mer, les deux, les paysans et les marins. Mes parents sont originaires d’ici et je suis née et j’ai grandi à Kermouster. Après, je suis parti pendant 35 ans pour suivre mon mari qui était militaire. Et on est revenu vivre dans la maison de nos origines pour la retraite.

Ça fait 9 ans que je suis là et que je tiens la Cambuse. Ici, on voit plein de dessins d’enfants mais ce ne sont pas des enfants du village qui les ont faits, ce sont les enfants des vacanciers. Tous les ans, on fait un concours de dessins avec les enfants.

Ici, l’été, c’est plein de monde dans toutes les maisons, c’est plein d’enfants qui viennent en vacances mais le reste du temps, non. Il n’y a plus que 5 enfants dans tout le village. On est 120 personnes comme votants. C’est beaucoup de résidences secondaires et c’est le village des volets fermés presque tout le temps. L’été, ça bouge, et, l’hiver, il n’y a plus personne. Là, on est fin août et beaucoup sont déjà partis, je n’entends plus les enfants qui courent avec leurs bottes.

Avant, il y avait plein d’enfants dans le village et même ici car c’est une ancienne école. Il y avait 2 salles de classe. Dans la pièce à coté, c’est l’ancienne salle de classe des petits et sur les murs, on voit encore les photos de classe avec les enfants qui venaient dans cette école. Sur la photo, on voit la porte qui est restée la même. J’ai même une photo où on voit ma maman quand elle était petite avec sa classe. Toutes ces photos sont celles des enfants qui sont venus ici. J’en récupère comme ça petit à petit que les gens me donnent.

Je suis venue moi aussi dans cette école quand j’étais enfant. J’ai fait toute ma primaire ici. J’ai appris à lire et à écrire entre ces murs. On avait le manuel Bauchet. On se faisait encore taper sur les doigts quand on faisait des erreurs. On mettait les doigts à plat sur la table et on se prenait des coups de règle carrée. Il y avait des règles en bois et d’autres en fer. Ça faisait mal mais on ne disait rien en rentrant à la maison. Si on se plaignait, les parents nous disaient :

– Si tu as été punie c’est que tu l’as mérité.

On devait se mettre en rang, ne jamais parler. C’était la discipline mais on apprenait bien. Il y avait les enfants qui apprenaient mal en fond de classe. Ils étaient comme rejetés et on ne s’en occupait pas et c’est quelque chose que je n’aimais pas du tout. Pour moi, ce n’est pas bon de rejeter un enfant, les enfants qui ont des difficultés ont le droit aussi d’apprendre.

On avait jusqu’à 70 enfants à l’école. L’école s’est fermée dans les années 80.

Avant, pareil, il y avait 3 cafés dans le village puis, après, plus un.

L’école a été transformée en café commerce après, par la mairie. Ici, à la Cambuse, je suis ouvert toute l’année, tous les jours sauf le mardi où je prends une journée pour faire les courses. Sinon, tous les jours, même le dimanche, c’est ouvert. C’est le seul lieu d’ouvert du village, ici, quand c’est fermé, il n’y a nul part où aller. On fait de temps en temps des soirées apéros et musique ou chansons. Ici, à Kermouster, on est soudés.

Je l’ai appelé La Cambuse parce que c’est là où on met les vivres sur un bateau.

C’est bien, c’est beau de faire un projet sur la mémoire.

Sylvie