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Le premier texte qui parle officiellement du moulin date de 1637 et concerne un héritage. Le moulin, existe depuis 1600 environ. Il a été transmis de famille en famille. Au départ, il appartenait à un seigneur local mais au moment de la Révolution française en 1792, ils ont fui comme beaucoup d’autres nobles. Quand ils ont émigré, le moulin a été vendu en 1793 comme bien national. C’est la convention qui a vendu tous les biens des émigrés et on a la description très exacte de la vente qui montre que ça n’a pas bougé depuis cette époque. Ça, c’était la maison du meunier, ça, c’était le moulin, ça, c’était la soue à porcs, ça c’était l’écurie ou l’étable. Seul un autre bâtiment a été construit en 1820, 1825 pour servir de grenier.

Avant, c’était un moulin « banal » qui appartenait au seigneur et tous les paysans devaient obligatoirement amener leurs grains au moulin ; ils arrivaient avec leurs grains et ils repartaient avec la farine et le meunier ne stockait pas. Mais, après la révolution, ils ont eu le droit de stocker car le meunier est devenu propriétaire. A partir de là, ils stockaient pour spéculer sur le prix de la farine.

Ce moulin, la digue et l’étang sont classés Monuments Historiques. C’est un moulin qui a 2 roues ce qui est assez rare. Il tournait 6 heures par jour. C’est le mouvement des marées qui permettaient de faire tourner les roues. A marée montante, une porte s’ouvre pour laisser passer l’eau et en fin de marée, cette porte se ferme sous la poussée de l’eau. Malheureusement, les portes sont cassées.

Aujourd’hui, l’étang n’est pas très profond car il est envasé mais, autrefois, les paysans venaient régulièrement chercher la vase pour l’épandre sur les champs. Tout ça s’est arrêté après la deuxième guerre mondiale.

Le moulin a cessé de fonctionner exactement à la Toussaint de 1961.

Le grain était amené par des charrettes tirées par des chevaux ou par bateaux.

Ce sont des anciens qui ont vécu tout ça qui nous l’ont raconté.

Le fils du dernier meunier nous avait raconté toute l’histoire de son père, le père Kerlot qui faisait tourner son moulin sans électricité. Le fils du meunier qui était sergent dans l’armée de l’air est venu pour le décès de son père ; au cours de l’enterrement, les gens lui disent :

– Tu sais que ton père avait du grain à nous et il nous le doit. Il faut que tu fasses tourner le moulin pour nous donner la farine.

Le fils du meunier savait faire tourner le moulin et il se met au boulot. Il moud et fait de la farine. A la fin, il dit aux paysans :

– Ça y est, ta farine est prête, ça va te coûter tant.

– Ah ! Non ! Tu sais, j’avais donné des poules à ton père.

Quand le fils du meunier a vu ça, il a dit :

– Moi je ne marche pas comme ça.

Et il a mis en vente le moulin. C’était en 1961. Plus tard, il a pris sa retraite à Pleudaniel et on a été le voir. Il est venu ici et il nous a montré le fonctionnement du moulin et il nous a raconté pas mal de choses. Il est mort lui aussi depuis.

Tout ça, c’est écrit nul part.

Jean

La mémoire, ça sert à apprendre des histoires qu’on ne sait pas pour pouvoir les raconter à quelqu’un d’autre.

Tristan , 9 ans.

Le hasard nous a fait arriver ici par la mer comme les Saints Bretons.

Nous habitions Lyon et nous avions un bateau à voile, c’était un bateau assez grand car nous naviguions dessus pendant un mois l’été. Nous montions à bord le 14 juillet pour en redescendre le 15 août. Nous naviguions sur la Méditerranée occidentale que nous connaissons bien ; l’Espagne, la Tunisie, la Corse. Le plus loin, c’était Malte. Ce bateau devenait vieux et nous avons décidé de nous en séparer. C’était un bateau en bois et on nous a dit que nous aurions plus de chance de trouver acquéreur en Bretagne que dans le midi.

Alors, nous avons remonté la Saône, nous avons descendu la Seine jusqu’au Havre, , puis nous avons navigué par la mer jusqu’ici à Pontrieux.

Nous avons été reçus par des amis qui nous ont fait connaître ce coin charmant. Nous avons laissé notre bateau pendant un an. Au cours de l’hiver, nous sommes venus plusieurs fois pour voir si notre bateau allait bien ; chaque fois, nous trouvions le pays vraiment très charmant.

Nous sommes tombés amoureux de la rivière et de l’estuaire.

L’été d’après, nous avons pris une location pour mieux connaître le coin et nous avons regardé les maisons qui étaient en vente. On nous a parlé d’un vieux moulin à mer sur le Trieux. Quand nous sommes arrivés, nous avons le un coup de foudre et nous l’avons acheté tout de suite. Presque en même temps que nous achetions la maison, nous avons vendu notre bateau. C’est l’époque où nous sommes partis en retraite et en arrivant ici, nous avons redémarré une autre vie.

Nous sommes tombés amoureux de ce moulin et 20 ans plus tard, nous en sommes encore amoureux.

En arrivant, nous nous sommes sentis comme des immigrés. Avant, nous ne nous étions jamais vraiment enracinés ; nous avons vécu à Lyon, à Paris mais aussi, entre temps, en Angleterre, aux Etats-Unis, en Allemagne.

Jean a un grand-père Lillois un autre de Saint Maixent, une grand-mère de Versailles et il est né à Nogent Sur Marne par hasard. D’où est-il avec tout ça ?

Finalement, ici, c’est l’endroit où nous avons vécu le plus longtemps, ici, nous nous sentons enracinés. Nous sommes des jeunes Bretons. Les racines, c’est là où l’on cherche la sève.

Nous profitons de notre nouvelle vie chaque matin. Nous vivons très proche de la nature ici, nous regardons les oiseaux. Nous avons des ragondins, des loutres, des hérons, des aigrettes, tout un tas d’espèces sauvages qui vivent naturellement par ici.

Nous ne nous lassons pas de vivre au milieu de cette nature.

C’était il y a 20 ans et depuis, nous sommes toujours là.

Aliette et Jean

Mon père avait fait la grande pêche et je l’ai suivi.

Moi, j’ai embarqué comme mousse en sortant de l’école maritime de Saint Malo qui, à l’époque, était spécialisée pour la grande pêche. Ma première campagne à 15 ans, j’ai commencé sur un vieux cargo de 82 mètres, un peu comme celui de la bande dessinée avec le capitaine Haddock. On était 70 à bords ; une partie de l’équipage était Français, c’était beaucoup des Bretons et l’autre partie, c’était des Réunionnais.

C’est une vie en communauté entre hommes. Quelques fois, il y a des heurts mais on a toujours réussi à s’entendre sans bagarre. On vit à bord, on dort à bord, on travaille à bord, on fait tout à bord, loin de tout. Mais, c’était quand même dur. Les conditions de travail aussi sont dures. Mais bon, c’était comme ça pour tout le monde et on s’habitue. Le but c’est de pêcher le plus possible et de charger le bateau. On était payé à la part et plus on pêche, plus on gagne et tout le monde donne.

Quand j’étais embarqué comme mousse ma première année, j’avais droit à ¼ de part. Quand je suis rentré à la maison, il ne me restait plus grand chose parce que quand on fait 5 mois de mer, quand on s’arrête à la Réunion au retour, ma paie de mousse, en grande partie est restée sur l’île.

Ma première campagne, à 15 ans, je m’en souviens très bien parce qu’on a eu un cyclone en plein océan Indien. Du très gros mauvais temps avec des vagues énormes plus hautes que le bateau. En plus, on s’est retrouvé 48 heures en panne de barre arrière. C’était le branle bas de combat. On était loin de tout, là où aucun bateau de secours ne peut venir avant 10 ou 12 jours. Aujourd’hui, il y a tous les systèmes de sécurité, les téléphones satellites, à l’époque, il n’y avait rien.

Je n’ai fait que 2 campagnes. Après, mon père a débarqué de la grande pêche et il a fait faire un bateau neuf de 11 mètres. C’était en 1968. J’avais 16 ans et à partir de là, j’ai fait la pêche côtière avec mon père.

C’est un autre métier, on rentre à la maison tous les jours quand on fait la pêche côtière.

A l’époque, c’était plein de bateaux dans le port de Loguivy. Je me rappelle bien de l’ambiance qu’il y avait. Quand les langoustiers rentraient, il y avait 4 ou 5 bonhommes par équipage et quand tout le monde débarquait, il y avait une sacrée ambiance sur le port. Il y avait les vieux qui étaient là, il y avait plein de bistrots et les bistrots étaient pleins tous les jours. Les gars réparaient les filets sur le quai, ça discutait, ça vivait. On a connu ça quand on était gamin, à sauter dans les canotes, à se faire engueuler par les vieux. Même si c’était pas riche, ça bougeait beaucoup.

Ça fait 2 ans que j’ai arrêté. On est bien content d’être arrivé au bout. J’ai vendu mon bateau et j’ai acheté un petit bateau de plaisance pour continuer à aller en mer et pour pêcher en plaisancier. J’ai mes 2 casiers, mon filet, un petit bout de ligne.

On garde quand même de bons souvenirs, des bonnes rigolades, on oublie ce qui a été dur. Des coups durs, ici, il y en a eu comme dans tous les ports.

Loguivy, il y a 20 ans, 40 ans, c’était pas comme ça et dans 20 ans ça ne sera pas comme ça. Il n’y a que ceux qui ont vécu tout ça qui se rappellent.

Gérard, 58 ans, rencontré Chez Gaud à Loguivy

On a eu un tout un tas de gens qui avaient des bateaux et qui venaient à Loguivy pour les régates du 15 août pour affronter les bateaux des pêcheurs. Les marins d’ici faisaient les régates sur leurs bateaux de pêche.

Cette époque, je l’ai connu un petit peu avec mon grand-père. Mon grand-père avait un bateau à voile qui s’appelait Gloire à Dieu et il régatait dessus. Mon grand-père n’aimait pas les bateaux à moteur, il en avait peur et il n’a jamais voulu mettre de moteur sur son bateau. Jusqu’à sa retraite il a navigué à la voile. Moi, j’ai été un petit peu en mer avec lui, je devais avoir 4 ou 5 ans. Mais à l’époque, il y avait déjà les bateaux à moteur.

Il y avait beaucoup plus de bateaux de pêche. Je me rappelle qu’il y avait des bateaux tout autour du port. J’ai des cartes postales, où on voit encore tout ça. Il y en avait bien une cinquantaine.

Aujourd’hui, il en reste une douzaine qui font la coquille, l’hiver et des filets à araignées et, au printemps, quand la coquille s’arrête, ils font toujours les filets à araignées et les casiers pour les homards et les crabes et aussi un peu de poissons.

Et, quand j’étais gamin, je me rappelle que les patrons des bateaux faisaient venir leurs équipages ici pour leur donner leur paye au bar. Mon père qui était pêcheur faisait pareil. Tout était en liquide à l’époque et les gars étaient payés de la main à la main. Tout était compté à table et il faisait le partage sur place ; une part ou 2 pour le bateau, une part ou 2 pour le patron, et le reste, divisé entre les matelots. La paie se faisait à la semaine. Si tu ne sortais pas à cause du mauvais temps ou autre chose, tu n’avais rien. Tu travaillais toute l’année, il n’y avait pas de dimanche ou de jours fériés.

Tous les pêcheurs avaient aussi leur jardin avec des bêtes qu’ils élevaient. Pour les grandes marées, ils allaient aux ormeaux, aux praires. A l’époque, tout le monde faisait son petit stand vendait directement dans la rue, c’était encore autorisé de faire ça.

J’ai toujours été ici.

Je pense que les gens qui vivent à Loguivy toute l’année ne sont sûrement pas riches mais ils vivent bien. Celui qui aime aller en mer, faire les grandes marées, faire du bateau, il n’est pas mal comme ça.

Il y a des gens d’ailleurs qui viennent vivre ici. Je ne me vois pas aller ailleurs.

Alain, 60 ans.

En bateau, j’ai beaucoup navigué, mais je n’ai rien vu d’aussi beau que Bréhat.

Jean

Ça fait un peu plus de 20 ans que je suis là. Ici, c’est une histoire de famille. J’ai pris la suite de ma mère et, avant elle, c’était la tante de ma mère, la sœur de mon grand-père que je n’ai pas connu et avant, mon arrière grand-mère et avant, mon arrière, arrière, grand-mère. Ici, c’est un lieu qui a toujours été tenu par quelqu’un de la famille mais il n’y a personne dans la famille qui reprendra après moi, apparemment.

Ça a été ouvert en 1876 et avant d’être un café, c’était une étable pour les bêtes. D’après ce que j’ai entendu, avant, derrière, c’était des prairies qui étaient là le long du port de Loguivy, au dessus.

Le café est resté en l’état depuis 1876. Le mobilier a été changé quand j’étais gamin du temps de ma tante, il y a plus de 50 ans.

On a encore l’ancienne balance à tabac qui servait à peser le tabac à chiquer ou à priser. Il coupait des morceaux de tabac à chiquer que les gars mâchaient. C’était pas des paquets de cigarette comme aujourd’hui et il n’y avait pas autant de sortes de tabac. Aujourd’hui, on a des dizaines de marques avec dans chaque marque ; des fortes, des lights, des supers lights, des ultra lights. En tout, il paraît qu’il y a 750 sortes de paquets différents.

Ici, il vient des marins, des gens du quartier, des habitués et un peu de tout mais c’est beaucoup des professionnels de la mer, des pêcheurs, des marins de commerce ou des gars qui sont sur des plate formes pétrolières. Il y a des marins qui naviguent un peu partout dans le monde et quand ils débarquent, ils reviennent au pays et ils viennent pour boire un coup ici.

Il y aussi des retraités de la marine de commerce ou de la pêche.

Ici, c’est plutôt un lieu d’amitié. Ça parle de tout et de rien, des faits du jour, des commentaires sur un peu tout, ça rigole beaucoup. Des brèves de comptoir, il y en quelques unes, ici. La première que j’ai eue, c’est quelques jours après que j’ai repris le bar, c’était un vieux, il était midi à peu près et il y avait plein de monde. Il est entré dans le bar et il m’a demandé :

– Dis, je répare mon canote, tu vends pas du minium toi ?

– Non, Yves, j’ai pas de minium.

– Mets moi un p’tit rouge, alors, s’il te plaît.

Tout le monde a rigolé. Ce vieux, j’ai encore sa photo quelque part, il allait encore à la pêche et il relevait ses casiers avec un petit canote, d’ailleurs, il est mort dedans. Un jour, il était parti pour relever ses casiers et on l’a retrouvé mort dedans, il avait dans les 80 ans.

Il en est passé du monde ici depuis presque 140 ans. Si les murs pouvaient parler, ils en auraient des choses à raconter sûrement.

Alain, 60 ans.

Mes grands-parents avaient un bateau sablier. C’est ma grand-mère qui après la guerre a emprunté des sous et ils ont acheté un bateau pour ses fils pour faire le sable. C’était un beau bateau en bois, le Cervannick et après, mon oncle a eu le Notre Dame du Trezien.

Il remontait par la rivière du Trieux avec la marée jusqu’en dessous la Roche-Jagut, parce que là, il y avait comme une anse avec un dépôt de sable. C’était du sable pour la construction. C’était comme un bateau de pêche avec au milieu une cale à ciel ouvert carré et sur l’arrière un mât équipé d’un godet, on appelait ça un crapaud et il prenait le sable, un coup à droite, un coup à gauche et il remplissait le bateau. Après, il fallait mettre le sable à dessaler sinon ça fait du salpêtre.

Nous, gamin, on y allait pendant les vacances et quand ils remontaient le sable, il y avait des lançons dedans, alors, on les attrapaient puis on les passait dans une ficelle. J’avais une dizaine d’année, c’était en 1954.

Avec les bateaux, ils allaient aussi au large de Bréhat sur un banc de sable qu’on appelle du maërl ; le maërl, c’est un corail marin et ça sert pour l’agriculture, ça sert à amender la terre.

A l’époque, ma grand-mère tenait La Chaumière à Paimpol en gérance, c’était devant l’hôtel du Goëlo. En fait, c’était juste une cabane de bois, alors ils déposaient les tas de sable devant la Chaumière et ils vendaient le sable ou le maërl aux gens qui étaient intéressés. Des fois, il y avait des gens de plus loin que Guingamp qui étaient acheteurs. Alors, mon grand-père prenait la bourrique, c’était un petit cheval, et il traînait sa carriole de sable jusqu’à l’autre coté de Guingamp. Mon frère qui devait avoir 12 ans partait avec dès le matin. C’était encore après la guerre et il n’y avait pas de voiture ou de camion comme aujourd’hui. Ils partaient livrer le maërl et ils rentraient le soir. Quand mon grand-père rentrait le soir, la carriole était vide mais lui, il était plein, il avait pris une cuite.

Mais c’était un bon homme et il n’avait pas eu de chance. Mon grand-père était couvreur et un jour, il est tombé d’un toit sur la place du Martray. En ce temps, il n’y avait pas trop de sécurité, c’était bien avant la guerre. Suite à cette chute, mon grand-père a perdu son bras. Il ne pouvait plus être couvreur et il a continué à travailler. En ce temps là, si tu ne travaillais pas, tu n’avais rien, il n’y avait pas la sécu ni rien. Il est devenu marchand de sable. Quand il poussait sa brouette de sable, il tenait d’un coté avec son bras et de l’autre, il avait une corde passée sur le côté.

C’est par les histoires qu’on transmet le mieux aux enfants. C’est les histoires qui nous font grandir, c’est par elle qu’on apprend la vie.

Jacqueline, 72 ans.

Les histoires, ça sert à tout apprendre. Les histoires de pêcheur, ça sert à apprendre la vie d’un pêcheur si t’as envie d’être pêcheur. Ça sert dans la tête à créer un nouveau monde, ça sert à inventer un monde différent.

Martin, 10 ans

Il y a des guides qui viennent ici et qui expliquent aux touristes que le sillon de Talbert se déplace et qu’il a commencé à bouger depuis environ 30000 ans. Ce que je dis aux guides ou gens qui disent ça :

– Vous étiez là, il y a 30000 ans pour voir ?

Par contre, il y a moins longtemps, ma mère était là, mes oncles, mes tantes, et des anciens étaient là et ils m’ont raconté ce qu’il s’est passé.

Quand on dit que le sillon de Talbert bouge, c’est vrai. Mais les raisons ne sont pas que naturelles et il y en a 3.

La première, c’est les Allemands pendant la guerre. Ma mère qui n’est plus là et des anciens qui ont plus de 80 ans m’ont raconté que pendant la guerre, ils ont vu les Allemands, les Boches comme ils les appelaient, taper, creuser dans le sillon de Talbert pour prendre des tonnes et des tonnes de sable pour construire le mur de l’Atlantique. Tout les blockhaus de Plounez, de l’île à Bois et des environs ; le sable, les gravillons venaient d’ici. Les paysans du coin étaient corvéables et ils étaient obligés de travailler pour les Allemands. Il y avait une excavatrice qui creusait et qui remplissait des charrettes et des charrettes de sable et de gravillons. Une fois, l’excavatrice a été sabotée par la résistance, ma mère avait entendu l’explosion. Alors, les Allemands, le surlendemain, sont passés dans chaque maison avec le garde champêtre du coin et ils ont pris 40 jeunes pour les faire charger les charrettes à la pelle. C’est des milliers de tonnes qui ont été pris et forcément ça a modifié l’équilibre du site.

La 2ème raison, après, ça a continué parce que les paysans ont eu le droit jusqu’en 1962 de taper dans la petite grève du sillon de Talbert. Il y avait 5, 6 paysans qui avaient une concession qui leur donnait la permission de prendre du sable et ils venaient comme ça jusqu’au mois de juin. Après, ils mettaient le sable 3 à 4 ans à dessaler sous la pluie et ils le revendaient aux entrepreneurs. Ça encore, ça a fait des milliers de tonnes en moins.

La 3ème raison, et je l’ai vu de mes propres yeux, il y avait aussi 3 sabliers qui prenaient le sable sur la zone du sillon de Talbert. L’usine de Penlam, après la guerre avait acheté 2 GMC et pendant qu’il y en avait qui chargeait, l’autre déchargeait. Et là aussi, ce sont des milliers de tonnes qui ont été retirées.

Alors, quand on dit que le sillon de Talbert bouge, c’est vrai, mais les causes sont aussi liées à tout ce sable qu’on a retiré à un endroit fragile.

Cette histoire, on ne la trouve nul part dans aucun livre, à part celui que j’ai écrit il y a 4 ans, les Cahiers de la Presqu’île.

Paul, 64 ans.