Moi, j’étais agricultrice. Quoi que, je conseillerais à personne de le faire, car c’est un métier trop dur, trop pénible.

J’avais un mari mais c’était vraiment un mari extra. Il était très gentil pour les enfants et pour moi. Je me suis mariée très jeune et j’ai eu la chance d’avoir deux petits. J’ai eu deux garçons avec lui.

Là dessus, j’avais une belle sœur qui a été tué par la foudre. Elle avait une petite fille de six jours. La petite était sans maman. Il ne restait que mon beau frère qui avait une ferme avec 22 bêtes à s’occuper. Comment pouvait-il élever une petite qui avait six jours. Qu’est-ce qu’il fallait faire ? Mon mari, c’est lui qui a dit le premier :

– Eh bien, nous on la prend.

Alors, pardi ! On l’a prise et on l’a élevée. Je l’ai gardée jusqu’à huit ans. De là, mon mari est décédé et il a fallu élever seule les petits et la petite. C’est moi qui l’ai élevée car j’ai perdu mon mari assez jeune. Mais Lucette, c’était comme ma fille, je peux vous le dire.

Ça a été du travail par dessus la tête avec la ferme, avec les bêtes, avec les enfants.

Malheureusement, ma petite est partie quand elle avait huit ans. Elle est partie rejoindre son papa. Il fallait s’y attendre, son papa voulait bien sa fille. Mais ça a été très dur, croyez-moi et ça reste dur encore. Elle ne voulait pas partir. Elle disait :

– Je veux ma maman ! Je veux ma maman !

Il faut la comprendre. C’est moi qui ai eu tort car il aurait fallu lui dire mais moi, je ne lui ai pas dit. Je croyais la garder tout le temps. C’est dur d’élever l’enfant d’un autre et puis de le perdre. On se figure des choses.

A l’heure actuelle, ça me ferait rien de la reprendre. Aujourd’hui, je voudrais bien l’avoir à côté de moi. Mais enfin c’est la vie. Je la revois. Elle vient me voir ici.

J’ai pu voyager, Le Puy, Monnistrolles sur Loire, chez ma Lucette, près de Saint Etienne, Lyon, Gageac, Brettenac, toute la Haute Loire, je l’ai toute presque faite.

C’est maintenant que je suis venue en Ardèche pour être ici.

Mes deux fils aujourd’hui sont à la retraite. Voyez, on n’est pas tout jeune. Ma Lucette que j’ai élevée, aujourd’hui, elle s’est mariée et elle a trois petits.

Ce n’était pas facile mais c’était la belle vie quand même. Je vous l’assure. Que maintenant, on se retrouve bien seule. Tout n’a pas été rose mais enfin on a passé la vie et on est arrivé à plus de 90 ans.

La vie est ainsi faite, il y a les bons moments et les mauvais moments. Les bons moments ne durent pas longtemps et il faut en profiter.

Voilà, c’est ma vie que je peux vous dire. Elle est drôlement tracée, c’est une drôle de vie, mais c’est ma vie. On a passé la vie quand même.

Berthe, 90 ans.