J’ai un cousin qui a eu la drôle d’idée de partir au Burkina pour élever des chèvres. Il est parti vivre là-bas avec une fille et ses chèvres et il a été foutu dehors quand ils ont tué le président de là-bas. Il est rentré en France où il a monté une fromagerie en Ardèche et il vend des fromages. Il n’a plus la fille mais il a gardé les chèvres.

C’est pour ça qu’il y a une quinzaine d’années, j’ai été au Burkina Faso à Ouagadougou mais je n’y retournerais pour rien au monde. Là-bas, c’est l’horreur. Je n’ai pas aimé, je suis restée un mois mais ça m’a paru long. On n’était pas à la ville, on était dans la brousse et pour être dans la brousse, on était dans la brousse, il n’y avait rien. On était tellement isolé de tout, c’était le vrai trou du cul du monde. Je n’ai jamais vu ça, d’être au milieu de rien. Je n’aime déjà pas la campagne mais là c’était pire que tout. Je n’ai jamais eu aussi peur d’être toute seule au milieu de tous ces grands noirs et en plus, ils ne parlent pas tous le français.

Aujourd’hui, je suis là dans la Drôme et je n’aime pas ça non plus.

Moi, j’étais dans l’enseignement même si je n’ai pas une tête à ça. J’enseignais le français et le latin au lycée Victor Duruy à Paris. J’étais une parisienne Ouh ! la ! la ! Et je le suis encore. Je suis descendue ici à la retraite de mon mari. Je l’ai suivi. J’étais à Bourg les Valence et me voilà là en maison de retraite, en hôpital.

Avant, les gens ne mettaient pas leurs parents dans des maisons de retraite. Les musulmans ne mettent jamais leurs parents en maison de retraite. Il n’y a que nous qui ne sommes plus civilisés.

Aujourd’hui, les logements sont trop petits, on n’a pas trop de place. On met le grand-père sur un clic-clac. Puis le clic-clac est utilisé pour un gosse et le grand-père, à part le placard, il ne peut aller qu’en maison de retraite. C’est une forme de placard dans le fond, une maison de retraite.

Je trouve le placard bien agréable même s’il manque la convivialité. Vous rentrez dans la salle où on mange, il n’y a pas un bruit. On se croirait dans un cimetière, pas même un bruit de couteau, rien. C’est monstrueux ! Un tel silence ! On n’entend même pas :

– Passez moi le sel, passez moi le pain.

Rien. C’est pire que le silence de la brousse au Burkina Faso.

Josette, 74 ans.