Les mots de fraternité et d’éternité ont du sens pour moi. Cela me rappelle un plat qu’il y avait chez nous, en Tunisie, le Kasaâ. C’était un très grand plat en terre, on l’installait dehors, à l’air libre. Les gens du village venaient et ils mettaient trois pierres, puis ils mettaient du bois puis ils allumaient un feu. Ils posaient le plat dessus. Les femmes préparaient le couscous dedans. C’était des heures de travail mais les femmes parlaient entre elles en travaillant.

C’était un plat qu’on sortait pour les jours de fête, pour les mariages. Quand c’était prêt tout le monde venait et on mangeait.

On ne disait rien, pas besoin d’invitation, c’était simple, il n’y avait pas besoin de mot pour venir, pour manger.

Les gens venaient et même quelqu’un de passage peut venir pour manger, il est le bienvenu même si on ne le connaît pas. Le Kasaâ, c’était vraiment le plat pour partager avec tout le monde.

J’ai vécu ça quand j’étais petite.

Je ne savais pas le sens de ce plat, je ne savais pas le but de ce plat. On venait, on mange pour vivre et c’est tout. Mais non, je m’aperçois aujourd’hui, que le but du Kasaâ, c’était pas de faire à manger mais que c’était pour réunir les gens, pour parler, pour partager, pour être ensemble.

C’est ce qu’on cherche dans la vie, la fraternité. Quelque part, on cherche cette fraternité éternellement. Tous, on voulait ça sur terre et on a tout perdu.

On nous parle de liberté mais il n’y a pas de liberté quand certains font le mal pour les autres. Il n’y a pas de liberté si on ne va pas tous ensemble.

Aujourd’hui, on est réuni pour parler de nos problèmes, pour parler de nos vies, comme autrefois, les gens se réunissaient autour du plat.

Aujourd’hui, on dit qu’on n’a pas le temps, on n’a jamais le temps. Mais avant, on ne se plaignait jamais du temps, on prenait toujours le temps de faire les choses.

Aujourd’hui, on ne fait plus rien, on achète tout tout-prêt et on dit qu’on n’a pas le temps.

Souad