Une histoire qui est arrivée à la libération dans le village de Saint Vit.

Mon mari travaillait sous un faux nom dans une scierie pour échapper au STO en Allemagne. Dans cette scierie, il y avait un officier Allemand qui a été logé pendant près de deux ans. C’était un homme très poli avec tout le monde. Ce n’était pas un nazi. Il nous disait qu’il était triste de cette guerre. Il nous disait qu’il avait son père et ses deux frères dans cette guerre, que ce n’était pas bien, qu’il n’avait pas le choix. En Allemagne, tous les jeunes Allemands ont été pris, ils ne pouvaient pas refuser. Les derniers soldats Allemands qu’on a vu passer dans le village de Saint Vit, c’était des gosses de seize, dix sept ans.

Il se trouve que la fille du patron de la scierie est tombée amoureuse de cet Allemand. Tout le monde le savait dans le village. Ils se promenaient dans le village et comme le font les amoureux du monde entier, ils s’embrassaient et s’enlaçaient. Elle l’aimait. Lui aussi l’aimait. Ils s’étaient promis de se retrouver après la guerre. Manque de chance, lui s’est fait tuer à la fin de la guerre.

A la libération, les résistants, à une quinzaine avec des gens du village, sont venus pour prendre cette jeune femme et pour la tondre. Ils criaient :

– A mort ! A mort ! Salope ! Déshabillez là ! La tonte ! La tonte !

C’était de la haine, de la méchanceté. Tout le village presque était là. Ma mère, quand elle a vu ça, a attrapé mes quatre enfants et elle est partie. C’était pas beau. Moi, je suis restée. Je voulais voir ce qui allait arriver. Il y en avait qui criait, il y en avait qui pleurait. Moi, je pleurais.

C’est le maire du village qui a eu le courage de s’interposer. Il était résistant lui aussi. Il a pris la fille avec lui et il a dit :

– Si vous la touchez, vous me toucherez aussi.

Il l’a emmenée chez lui sous sa protection. Et les autres fous sont partis. A la suite de cette histoire, cette femme a été obligée de quitter le pays.

Cette scène est restée. De voir cette méchanceté, cette haine, cette rage. Cette fille n’avait rien fait de mal. Elle n’avait dénoncé personne. Moi, je savais qu’ils s’aimaient. Et quand on s’aime, on s’aime. On peut aimer n’importe qui, de n’importe quelle race, de n’importe quelle couleur. On peut pas empêcher les cœurs de s’aimer. Un amour, c’est un amour.

Mais il y eu de telles horreurs des nazis dans la guerre qu’à la libération, les gens ont voulu se venger.

Encore aujourd’hui, je ne comprends pas cette guerre. Pourquoi cette tuerie ? Pourquoi cette chasse aux juifs, aux communistes ? Et encore aujourd’hui, pourquoi toutes ces guerres ?