Quand mon oncle est mort, j’avais 2 ans. On l’appelait le petit Joseph, il avait 10 ans. Il avait été placé chez ses grands-parents pour aider dans une ferme.
Mais tous les ans après, on en reparlait, on racontait chaque fois comment ça c’était passé. Et j’ai l’impression de l’avoir vécu à force de l’avoir entendu. Mon oncle en ramenant les bêtes remontait un sentier et il a eu l’idée d’accrocher une corde à la queue d’une vache ; il s’était dit qu’elle allait tirer et que ce serait tranquille et facile de monter, sauf que la vache s’est emballée, elle l’a emporté et elle l’a tué à coups de sabots.
Autrefois, on plaçait les enfants très jeunes dans les fermes et dans la famille pour travailler.
Mon oncle aîné avait été placé à 9 ans chez la grand-mère dans le Morbihan pour donner la main. Ce qui fait qu’il a été élevé par ses grands-parents. C’était suivant le désir de la famille quand ils en avaient besoin et qu’ils n’avaient pas d’enfants.
– J’ai besoin d’aide, je m’en sors plus…
On demandait une fille ou un garçon suivant ce qu’il y avait à faire. C’était comme ça dans plein de familles d’ici. C’était dans les mœurs et ça se faisait couramment.
Les enfants étaient placés très jeunes dès 9 ou 10 ans pour s’occuper des vaches, donner un coup de main à la ferme.
Les jeunes aujourd’hui, ne peuvent pas connaître tout ça et ils seraient peut être outrés d’apprendre que ça se faisait. On n’écoutait pas l’avis de l’enfant comme aujourd’hui.
Ça ne se faisait pas brutalement non plus, il y avait une approche pour dire aux jeunes où il allait vivre. Mais les enfants de 10 ans, à l’époque étaient beaucoup plus matures qu’aujourd’hui. C’était une déchirure bien sûr mais il n’y avait pas le choix.
C’était comme ça.
Et pour les mousses qui partaient en mer à Terre Neuve à 12 ans, c’était pas mieux, même pire.
La vie était plus dure avant.
Philippe, 54 ans.