Autrefois ; la vie était plus dure que maintenant mais on était plus fort aussi.
Maintenant, les jeunes veulent tout avoir tout de suite. Mais à notre époque, pour avoir quelque chose, il fallait le gagner avant de l’avoir. Mais, c’était pas plus mauvais pour ça.
D’ailleurs, les gens étaient aussi heureux que maintenant. Maintenant, les gens ne sont pas heureux de rien ; rien ne leur fait plaisir. Ils veulent toujours plus que ce qu’ils peuvent avoir. Nous, on n’avait rien mais on se contentait de ce qu’on avait.
Il y avait beaucoup de progrès qui n’existait pas ; la télévision n’existait pas, le téléphone n’existait pas. Alors, on n’en avait pas besoin puisque ça n’existait pas.
On ne regardait pas la télévision puisqu’il n’y en avait pas mais on se parlait plus.
Il y avait les veillées. C’était l’hiver, les voisins venaient où on allait chez les voisins. On jouait à la belote, on jouait surtout aux cartes, à la bourre, ça s’appelait. A la bourre, on n’a que trois cartes et on prend ou on laisse. Ça se joue en trois parties. Il y a le roi, la dame et ainsi de suite et c’est le plus fort qui gagnait. C’était un jeu de veillée.
On jouait un peu de sous. Oh là ! Pas de grosses sommes, on jouait un sou ou deux sous. Celui qui gagnait, gagnait trois sous, pas plus, mais c’était pour le jeu. Les hommes jouaient aux cartes et les femmes tricotaient.
Et pour parler, ça parlait ! On parlait de ce qu’on avait fait dans la journée, on parlait travail, on parlait de tout. Les enfants restaient un peu ; les plus grands restaient puis les petits allaient se coucher. On veillait jusqu’à minuit, jusqu’à des, une heure du matin. Et quand on avait bien veillé, on prenait le casse croûte, on mangeait le pain et la saucisse et on buvait un coup. Tout était fait à la ferme; le pain, le fromage, le beurre, la saucisse, tout. Avant le pain, on le faisait. On avait un four à pain et c’était les hommes qui faisaient le pain parce qu’il fallait le pétrir. On faisait quinze kilos de pain pour la semaine. On était cinq ; il y avait mes parents, mes deux sœurs et moi.
On se disait des proverbes ; il y en avait sur tout, sur le temps qu’il ferait, sur les saisons, sur les gens. Il y a des proverbes qui sont justes. Maintenant, on y croit de moins en moins aux proverbes. Il faut qu’ils le lisent sur le journal ou qu’ils l’entendent à la télé pour qu’ils le croient. Pourtant, il y a des journalistes qui racontent n’importe quoi et on les croit.
Avec les jeunes, il ne faut pas trop parler de l’ancien temps d’autrefois parce que ça ne les intéresse pas. Alors, on n’en parle pas.
J’ai grand peur de l’avenir. Oui, j’ai grand peur de ce qui va venir…
Fabien, 92 ans.