Il n’y a pas longtemps que je suis là. J’étais déjà venue puis ils m’ont mis ailleurs et ils m’ont ramenée là.
Je suis de Lyon, je suis née à Lyon en 1930 et j’ai vécu pratiquement les neuf dixième de ma vie à Lyon avec mes parents.
J’étais leur seule enfant. Ils ne pouvaient pas avoir d’autres enfants car j’étais handicapée à ma naissance. J’avais dix jours quand ils s’en sont rendu compte. J’avais tout un côté atrophié dont je ne pouvais pas me servir ou très peu et cela n’a été qu’en empirant au fil des ans.
Ma vie a été différente des autres enfants, je voyais mes camarades mais jamais, je ne pouvais avoir de vraies relations avec eux. A l’époque, c’était beaucoup plus dur d’être handicapée. Mon nom de famille est Testard et quand vous avez dix ans et que vous entendez les autres enfants vous appelez :
– Têtard ! Têtard !
Je vous assure que ça vous marque.
Quand j’étais plus jeune, je pouvais marcher, me déplacer tant bien que mal sur mes jambes sinon, je n’aurais pas pu travailler en maison d’enfants mais je n’avais pas la force dans les bras, j’étais lente.
Quand la tête marche et que le corps va de travers, le regard des autres est encore plus dur à vivre.
Alors forcément, j’ai connu la solitude. J’ai fait ce que j’ai pu avec mon handicap. Ma vie a toujours été liée à la foi, c’est là où je me suis réfugiée toute ma vie.
Mon plus beau souvenir a été ma confirmation, ma première communion. J’avais quinze ans, je me revois en robe longue dans le temple. Et j’ai prononcé qu’il fallait suivre le seigneur. Comme c’était dans mon cœur, cette parole a marqué toute ma vie.
Le pire, c’est quand j’ai perdu mes parents et que je me suis retrouvée toute seule au monde, c’est le cas de le dire, là, ça a été très dur. C’est là où je me suis aperçu que le seigneur ne nous abandonne jamais quoi qu’il arrive.
Ma grâce te suffit car ma force s’accomplit dans la faiblesse
Cette parole est mienne et c’est tellement vrai quand on n’a que deux membres sur quatre, on a besoin de cette force. C’est énorme quand on a trente, trente cinq ans, quarante ans. Quand on est seul, vraiment seul, qu’on n’a ni père, ni mère, ni frère, ni sœur, ni famille proche, quand on n’a rien ni personne. J’ai été très seule vraiment.
A la mort de mes parents, il m’a fallu apprendre à vivre complètement seule d’autant plus que peu de temps après, je ne pouvais plus du tout travailler car je ne pouvais plus marcher.
Je ne comprends pas les gens qui disent que le seigneur n’existe pas car c’est celui qui me fait vivre, qui m’a permis de continuer la route malgré tout.
Toute ma vie est une épreuve. Pour moi, Dieu est ma vie, c’est lui seul qui m’a permis de vivre, de continuer la vie dans cette solitude.
Je sais que non seulement, je vais le retrouver mais qu’il va venir.
Il y a une parole qui dit :
Le seigneur Jésus est à la porte et il frappe.
Je sens qu’il n’est plus loin. Il y a une date qui doit être fixée dans les cieux et je l’attends avec impatience. Quand il reviendra tout sera mieux, tout sera bien, il n’y aura plus de malheur, je ne serais plus handicapée.
Yvonne, 82 ans.