Il faut savoir prendre son destin en main sinon on n’obtient rien. La liberté pour moi, c’est ça, se prendre en main, c’est de décider de sa vie. On est responsable de sa liberté. La liberté ne nous est pas donnée, on se la donne, on la prend. On l’a prise par le passé avec les luttes, de la révolution aux grandes luttes syndicales, on s’est toujours battu pour avoir plus de liberté. Il faut imaginer qu’avant, il était interdit de faire grève, interdit de s’exprimer. Mais la liberté n’est jamais acquise, on doit toujours se battre pour la garder, à chaque seconde, on doit se battre pour la liberté.

Les libertés s’opposent, la liberté des uns s’oppose à celle des autres. La liberté des riches n’est pas la même que celle des pauvres. La liberté dépend de la mémoire que l’on a des choses. Quand on ne connait pas son passé, on est condamné à le revivre disait Victor Hugo et il avait raison.

Je sais ce que c’est que d’être privé de liberté. J’ai connu l’époque de la guerre, l’époque des restrictions, de la peur. Il était interdit de tout, interdit de manifester, de faire grève, de s’exprimer, de circuler, de manger à sa faim.

Même si j’étais jeune, la guerre m’a marquée. J’ai un de mes frères qui est resté cinq ans prisonnier en Allemagne. Mon père est mort à la guerre, l’un de mes frères est mort en déportation. Mon frère était un grand costaud, il n’avait peur de rien. Un jour, pendant la guerre, les gendarmes Allemands l’ont arrêté pour contrôler son véhicule et ils ont trouvé une carabine dans son camion. Quand ils ont voulu l’arrêter, il s’est battu contre eux et il en a blessé un avant d’être arrêté. Il a été jugé par l’armée à Trêves. On l’a jugé comme terroriste et il a été déporté. On n’a plus jamais aucune nouvelle de lui. Ma mère n’a eu des nouvelles qu’après le retour d’un déporté qui avait très bien connu mon frère. Il a raconté comment mon frère était mort là-bas. Mon frère était un grand gaillard et il n’a pas résisté longtemps à la faim et aux mauvais traitements. En camp, les gars comme lui avaient besoin de plus de nourriture et c’est ceux qui dépérissaient les plus vite sans parler du froid et des maladies. Les petits s’en sortaient mieux même si c’était très dur pour eux aussi. On m’a privé de la liberté de vivre avec mon père en le tuant à la guerre. On m’a privé de la liberté de mon frère avec la guerre.

Je ne supporte plus aucune guerre. Il n’y a pas de bonne guerre, que ce soit en Lybie ou en Afghanistan comme aujourd’hui. Dans toutes les guerres, il y a des morts, il y a des femmes et des enfants qui meurent. Il y a des pères qui vont mourir et leurs enfants n’auront plus la liberté de vivre avec leur père. Il n’y a plus de liberté quand on prive des personnes de la vie.

On ne peut être indifférent à la mort d’une personne. On ne peut pas faire comme si on n’y pouvait rien. En votant pour certains ou en ne votant pas, on donne le pouvoir à des va t’en guerre, le pouvoir de tuer en notre nom.

Ce que j’aimerais, c’est que l’on soit tous touchés par tout ce que se passe dans le monde et peu importe où. Quand on aime la Liberté, on ne peut pas être indifférent au malheur de l’autre. Le malheur de l’un, c’est le malheur de tous.

Ce qui me frappe le plus, c’est le malheur d’un enfant. Un enfant n’a aucune défense et c’est la pire injustice. C’est aussi une forme de liberté qu’un enfant soit heureux.

Fermer les yeux sur la vue d’un enfant malheureux, sur le malheur des autres, c’est se priver d’une liberté essentielle, la liberté d’être humain. Les hommes ne sont pas tous humains mais ils peuvent l’être. Être humain est pour moi est la plus grande liberté.

L’espoir, c’est que tous les hommes deviennent humains et il y a de quoi faire. Mais on peut toujours faire quelque chose. Croire que l’on ne peut rien faire, c’est se priver d’une liberté essentielle, la liberté d’agir.