Je m’appelle Andrée et je suis née à Paris. Quand j’étais petite, je faisais souvent des bêtises où je cassais tout. Je cause comme ça parce que je suis comme ça. Mes poupées, je les cassais toujours.
Avec mes parents, il ne fallait pas que je chante. Mes parents disaient :
– Tais-toi, tu chantes faux.
Et moi, je revenais derrière et je disais :
– Et je t’emmerde faux ! Je t’emmerde faux ! Et je t’emmerde faux ! Je t’emmerde faux !
Puis je partais à toute fond. J’étais une enfant terrible. J’étais dure. Je cassais tout. J’étais une enfant méchante. Et à l’école, j’étais pareil.
Moi, je m’étais dit que je n’aurais jamais d’enfant. J’étais jeune mais quand je suis devenue femme, c’était autre chose. Et finalement, j’ai eu des enfants.
Maintenant, je ne casse plus rien, je fais attention à ce que je fais et je fais attention à ce que je dis. Ça m’avait vraiment touchée ce que mes parents m’avaient dit, que j’étais une bonne à rien, que je n’arriverais, jamais à rien. Ça c’est dur pour une enfant. Moi, je n’ai jamais dit ça à mes enfants.
Je serais devenue dingue si je n’étais pas partie. Je suis partie moi même toute seule. J’avais quinze ans et demi, seize ans. J’ai été voir chez mes grands-parents si ils voulaient de moi. Ils m’ont gardé et ils m’ont fait travaillé. Comme ils étaient commerçants, ils faisaient les marchés et j’étais avec eux. Un jour je leur ai dis :
– Vous êtes des voleurs de gens !
Ils m’ont dit :
– Comme tu commences à être grande, tu vas aller chez les gens et tu vas laver et nettoyer.
J’ai dit :
– Je m’en fous, je le ferais.
Et je l’ai fait. Je voulais être infirmière. Je me suis mise toute seule. J’ai été à l’hôpital à Paris, à la Salpêtrière. C’était dur les premiers temps car il fallait toujours nettoyer les saletés. On me donnait tout ce qui était le plus sale mais ça me plaisait. Après, j’ai fait la formation pour être infirmière moi même.
Je me suis fait de moi même. Je me suis mise infirmière moi même. C’était dans moi même. Je voulais m’occuper de tout le monde. Et je continue. Je fais attention tout le temps. Quand je vois les vieilles dames, je fais attention. Si c’est en moi, c’est en moi.
Ma fille est ici aussi avec moi. Elle habite en dessous. Je vais la voir où c’est les filles qui me l’amènent. Elle est handicapée, elle est dans un fauteuil roulant. Je m’en suis occupée toute ma vie, tout le temps. Je suis venue avec elle. Elle ne peut rien faire toute seule. C’est beaucoup de travail. C’est sa vie qu’il faut donner. J’ai déjà fait à avec mes parents et je fais ça avec mes enfants. Je ne m’en sortirais jamais.
Andrée, 82 ans.