J’étais fille de gendarme et j’ai vécu en caserne. Dans la gendarmerie, il se disait :

– Dans la caserne, on tolère les chats, on tolère les chiens mais on ne tolère pas les femmes.

Les femmes ou les filles de gendarme n’avaient le droit que de se taire. Elles n’avaient pas le droit de vote.

Mon père était gendarme et lui non plus n’avait pas le droit de vote. Les curés, les gendarmes, les militaires, à l’époque n’avaient pas le droit de vote. Ils ont eu le droit de vote en même temps que les femmes en 1946.

Mon père disait :

– Les femmes, voter. C’est n’importe quoi !

Je le revois secouer la tête. Il ne comprenait pas que l’on donne le droit de vote aux femmes.

Moi, j’étais rebelle et pour moi, le droit de vote, c’est très important, c’est le droit de s’affirmer en tant que femme et en tant que citoyenne. Je n’avais pas d’éducation politique mais je sentais ça. Quand j’avais découvert la révolution française, je m’étais dit que les droits de l’homme, c’était bien mais qu’il fallait penser aussi aux droits de la femme. Je ne pouvais pas admettre que la femme soit soumise comme elle était soumise. Soumise à un père puis soumise à un homme, je ne l’ai jamais admis.