Je suis du Maghreb, de l’Algérie, du coté de la Kabylie. La Kabylie, c’est mon deuxième pays après la France. Je suis née en 1957, l’Algérie était encore Française.

A l’école, j’ai appris le français et à la maison, on parlait français et kabyle. Quand j’ai écouté les contes l’autre fois, j’ai pleuré. J’ai pleuré car ça m’a rappelé beaucoup d’émotions. Ça m’a remué la mémoire et ça m’a rappelé les contes de ma grand-mère.

Je me rappelle d’une histoire. Dans cette histoire, Jaha, il avait une maison qui était vide. Les gens quand ils voyaient Jaha lui posaient toujours la question :

– Pourquoi tu ne la loues pas à quelqu’un ?

– Pourquoi vous voulez que je la loue ?

– Pour pas qu’elle reste vide, que cela serve à quelqu’un.

Ils insistaient, ils insistaient et à la fin, Jaha leur dit :

– Bon d’accord, je veux bien voir ça mais d’abord, je vais rentrer cinq minutes dans la maison et vous, attendez-moi dehors.

Il est rentré et il a fermé la porte à clé derrière lui. Dans la maison, Jaha, a retiré tous ses habits et il s’est mis tout nu puis il a commencé à danser. Tout nu, il a dansé, dansé, dansé, dans sa maison. Dehors, les gens attendaient. Après, Jaha s’est rhabillé puis il est sorti. Il a demandé aux gens :

– Est-ce que vous avez vu ce que j’ai fait à l’intérieur ?

– On n’a rien vu

– Ma maison, je la garde pour moi. Même si elle est vide, elle garde mes secrets et mon intimité. Je n’ai pas envie de la louer à des gens qui vont faire des choses que je n’ai pas envie à l’intérieur, personne ne peut les voir. Alors, je la laisse comme ça et je ne la louerai à personne.

C’est ma grand-mère Fatima qui racontait cette histoire et nous, on riait.

En France, je n’ai pas raconté d’histoires à mes enfants. Ça s’est perdu.

Parce qu’ici, on n’est plus comme avant. Avant, on croyait les choses, on était un peu naïf. Le temps a changé, la mentalité a changé et les enfants aussi. Maintenant, il y a les jeux vidéo, la télé et les enfants ne savent plus écouter. Nous, on n’avait pas tout ça et on était plus naïf.

Il y a la petite lumière de ma grand-mère qui brille encore en moi et qui me donne le courage de continuer. Malgré ce qui est dur, je reste moi-même.

Ma mère avant de nous quitter m’a dit :

– Je te protège.

Elle m’a dit ça sur son lit de mort. Au moment de mourir, elle est morte dans mes bras et elle a poussé son dernier souffle. Elle m’a dit aussi :

– Si tu as un problème, tu m’appelles.

Des fois je pleure, et je parle avec moi-même et je l’appelle. Je lui pose des questions et je fais les réponses comme si elle me parlait. Peut être que c’est ça qui me sauve. Après, je me sens un peu mieux.

Nacira