Mon papa chantait tout le temps et ma maman chantait aussi. Mais c’est loin, et je ne me rappelle pas du tout ce qu’il chantait. Ça fait longtemps et il y a un moment que je les ai perdus tous les deux.
Je les entendais chanter, c’était de jolies chansons. Ils chantaient à la maison tout en travaillant.
Mon père chantait là où il travaillait. Il travaillait à casser des pierres dans l’usine. Il était tout seul à casser les pierres mon papa. Il cassait les pierres avec une masse. Il faisait ses journées de travail comme ça ; il cassait les pierres puis il chargeait les pierres dans un wagonnet et le wagonnet partait. Le lendemain, il recommençait de nouveau et c’était comme ça. Il chantait pour se donner du cœur, pour montrer qu’il était heureux d’avoir trouver ce travail pour nous élever.
Parce qu’on était douze enfants quand même et il fallait qu’il nous élève, qu’il nous donne à manger, payer les études tout ça.
Mon papa, je l’ai vu travailler. J’y suis allé une fois ou deux le chercher, à pied, parce qu’on n’avait point de voitures. Mon père partait le matin en vélo de Mays à Cruas. Il portait son casse croûte pour le midi. Il cassait ses pierres et le soir, il redescendait en vélo.
Et maman faisait du raccommodage, du lavage pour les personnes âgées. Il n’y avait pas de machines à l’époque, tout se lavait à la main. Tout se faisait à la main. Elle travaillait aussi bien la nuit comme le jour. Elle arrêtait jamais de chanter. Elle travaillait beaucoup mais c’était pas cher payé.
Mon papa s’appelait Alfred et ma maman, Marguerite.
Mais enfin, on est arrivé à être élevé quand même.
Moi, je ne chante pas, j’aime écouter les chansons mais je ne chante pas. D’abord, j’ai perdu un petit à 22 mois puis, mon mari est parti et je me suis retrouvée seule à élever mes trois enfants. Je les ai mis à l’école dès que j’ai pu, pour voir à aller travailler, pour me faire un salaire.
Maintenant, ils travaillent pour eux.
J’y pense souvent des fois à tout cela.
Gilberte, 80 ans.