Mon mari m’a rencontrée en Italie avant la guerre. Il avait treize ans et il avait des problèmes d’asthme en France. Les médecins ont dit qu’il avait besoin de grand air. Sa famille était Italienne. Il est venu en vacances dans mon village chez sa tante. On jouait toujours ensemble. Il venait manger la soupe chez nous et le dimanche, il mangeait les pates avec nous. Il ne voulait pas rentrer dans la maison de sa famille, le soir, tellement il était bien avec nous. On a passé des bons moments avec lui. Après, il devait rentrer en France. Il était triste. Il est parti avec sa petite valise sur un âne. Et moi, je me suis mise sur le chemin pour le voir plus longtemps. Il est venu me voir et on s’est dit au revoir. On s’est donné un baiser sur la joue. Et là, deux larmes ont coulé de mes yeux. Il m’a dit :
– Ces larmes, c’est comme deux gouttes d’or. Jamais je ne t’oublierais.
Et il est parti. Avec sa petite valise sur son âne. Et je l’ai regardé longtemps. Je l’ai regardé jusqu’à ce que je ne le vois plus.
Après, il y a eu la guerre et je n’ai pas eu de nouvelles. Onze ans plus tard, il ne m’avait toujours pas oublié. Il a demandé à un cousin à lui qui était venu dans notre village comment j’allais. Son cousin lui a répondu que j’étais une fille comme une autre sans plus. Mais mon mari voulait savoir si je n’étais fiancée à personne. Son cousin lui a répondu que non. Il s’est mis à m’écrire des lettres et des lettres où il me disait qu’il ne m’avait pas oubliée, qu’il se souvenait des deux perles d’or qui avait coulées de mes yeux.
Mes parents étaient contre au début. Ils avaient peur de me voir partir en France. Mais moi, je lisais les lettres en cachette et mon cœur était pris. Il est venu en vacances chez nous au mois d’août. Il est venu voir mes parents. Il venait tous les jours et il parlait. Il disait que je serais bien, qu’il avait un travail. Que je serais bien dans la maison de sa famille. Je me suis mariée en septembre. Puis mon mari m’a ramenée avec lui à Vitry sur Seine.
C’est comme ça que je suis arrivée ici, il y a soixante trois ans. C’est par amour pour mon mari que je suis venue vivre à Vitry. Sinon, jamais j’aurais quitté l’Italie. Jamais ! J’étais bien chez moi et ma famille était bien, on ne manquait de rien.
Mais l’amour c’est comme ça, c’est plus fort que tout.