J’avais 20 ans quand la guerre c’est terminé. Nous, on était jeunes et on avait envie de se retrouver pour danser mais les bals étaient interdits pendant la guerre. Alors, il y avait des bals clandestins. Mon père ne voulait pas que ça se passe chez nous parce que c’était dangereux. Ça se faisait dans une grange et il y avait parfois un accordéoniste qui jouait tant bien que mal et les jeunes se retrouvaient entre eux.

On a vécu l’occupation Allemande et les privations. Ça a été dur, très dur.

Les Allemands, il fallait les craindre. Il y a eu des drames.

Il y a eu de la résistance et les Allemands ont déporté des hommes qu’on n’a jamais revus. Ce qui est une honte, c’est que des résistants ont été vendus par d’autres Français. C’est une honte ! Quand j’allais à la maison de retraite comme bénévole pour visiter les malades, il y avait un vieux monsieur qui avait été dans la résistance, il m’a raconté que pendant la guerre, ils avaient décidé de partir à 5 sur un bateau depuis Lézardrieux mais le matin, un des homme n’était pas arrivé. Ils sont partis mais arrivés au large de Bréhat, une vedette Allemande les attendait. Ils avaient été dénoncés par le cinquième homme. Ils ont tous été déportés et beaucoup sont morts là-bas en Allemagne. Vendre des copains pour avoir de l’argent ! Quand même ! C’est de drôles de patriotes ça !

Mais ce qui nous a le plus marqués s’est passé juste avant la libération, 3 jours plus tôt.

Il y a eu le chant des cloches à Plounez. Tout un groupe de paysans que je connaissais et qui étaient nos voisins sont partis sonner les cloches parce qu’ils avaient entendu sonner les cloches de Kérity et ils croyaient que les Allemands étaient partis.

Mais, il restait une poche d’Allemands à Plounez dans le château. Ils sont venus avec leurs mitraillettes et ils ont tiré. Il y a un jeune homme de 23 ans qui a réussi à descendre l’escalier de la tour de l’église et qui s’est sauvé à travers le cimetière. Mais il était blessé grièvement et c’est monsieur Mercier, l’instituteur qui l’a retrouvé en sang dans le cimetière. Il l’a emporté sur une brouette jusque chez lui mais il perdait tellement son sang qu’il est mort chez lui. Les autres hommes ont été arrêtés par les Allemands et emmenés par les soldats. Parmi eux, il y avait un jeune père de famille qui avait 2 petits enfants. Ils les ont emmenés on ne sait où et ils les ont tués, eux aussi. Ce n’est que bien après la guerre qu’on a su où étaient leurs corps. Car, il y avait un Polonais qui avait été enrôlé de force dans l’armée Allemande qui est revenu après la guerre à la mairie de Plounez pour dire où étaient les corps. On a déterré les corps pour leur donner une vraie sépulture. Ça nous a beaucoup marqués. Parmi les 4 hommes, j’avais un oncle. C’était terrible !

3 jours plus tard, les Américains sont arrivés. Je revois encore les chars Américains passer là, au mois d’août 1944. Je m’en rappelle très bien, comme notre ferme était à un petit kilomètre plus bas, mon père est sorti après le repas du soir et il a entendu le bruit des chars. Il est rentré et il a dit :

– Les voilà !

On est tous sortis, et, moi et mes frères, on a monté la côte en courant. On a vu les chars américains passer, ils venaient de Plestin-les-Grèves où ils avaient débarqué et ils partaient vers la Normandie. C’est quelque chose qui m’a beaucoup marqué de voir l’arrivée des Américains après ce qui était arrivé à Plounez trois jours plus tôt.

Kergrist, Albertine, 90 ans.