Je suis née en 1925 et je suis là, encore bien solide. J’ai vu toute une évolution de la vie. Je suis née à la ferme de mes parents.

Autrefois, ce n’était pas le confort comme aujourd’hui. Il n’y avait pas l’eau. J’ai connu la terre battue au sol et les grandes cheminée pour se chauffer. Pour la lessive, il fallait aller au lavoir. L’hiver, quand il y avait la glace sur le lavoir, il fallait casser la glace pour laver le linge et tellement on avait froid aux doigts et aux mains, on piquait l’onglet comme on dit, il fallait taper des bras pour se réchauffer après avoir fait la lessive dans l’eau glacée. On partait le matin avec la brouette pour laver le linge blanc au lavoir qui était près du Lédano et on le ramenait pour le mettre à bouillir mais au retour, il était plus lourd et il y avait la côte à monter. Mais, c’était pas fini, on repartait avec le linge de couleur à laver et à chaque fois, il fallait retourner pour rincer le linge au lavoir. Chaque fois, c’était trois allers et trois retours. On était jeunes, on avait une vingtaine d’années et on était costaud.

La nourriture, c’était du cochon salé qu’on mettait dans de la soupe. Le soir, c’était du lait ribot avec des pommes de terre. C’était toujours pareil mais on se portait bien. On respirait le bon air.

On n’allait jamais à la mer, ni sur l’estuaire. On n’avait pas le temps ; enfant, dès que l’école était finie, c’était le travail tout le temps. Et quand on est devenu jeunes gens, on préférait aller au bal plutôt que d’aller à la plage. On pouvait danser et rencontrer d’autres jeunes gens. On chantait beaucoup. Je me souviens encore des chansons que je chantais à 20 ans ; comme Le Rêve Bleu, La Paimpolaise ou Feu Follet.

J’aimais beaucoup chanter Feu Follet et je me rappelle encore des paroles :

C’était une Bretonne, cheveux moirés, œil qui brille

La joyeuse Maryvon, était la plus belle fille de tout le pays Breton

Tête folle sans cervelle, elle courait les garçons

Jetait sa coiffe en dentelle par dessus tous les buissons

Feu follet, feu follet, c’était un feu follet qui dansait sur la lande

Pieds légers, Tas de lait, le jour la nuit, elle menait la sarabande

De Quimper à Lannion, de passion en passion, volait, volait son cœur volage

Feu follet, feu follet, c’était un feu follet qui courait les villages…

On se fréquentait beaucoup entre voisins. Il n’y avait pas la voiture, il n’y avait pas le téléphone, il n’y avait pas la télé ni internet mais on se parlait beaucoup plus. Aujourd’hui, j’ai des voisins que je ne connais même pas.

La vie était différente parce que les gens étaient plus proches les uns des autres, il y avait beaucoup plus d’entraide.

Kergrist, Albertine, 90 ans.